Après avoir vu Snow & Ashes, premier long métrage de Charles-Olivier Michaud (lauréat du Grand Prix du jury à Slamdance), la productrice Nicole Robert a demandé au cinéaste de lui soumettre un projet. Passionné de l'Asie, de ses textures et de ses contrastes, Charles-Olivier Michaud a souhaité créer une histoire autour d'une guerre silencieuse, vieille comme le monde, qui touche des tabous enfouis au plus profond de l'âme humaine.

«J'ai vu Bangkok, Manille, plein d'endroits en Asie qui sont comme des gros buffets «all you can eat» pour les Occidentaux qui font du tourisme sexuel, explique le cinéaste. En poussant plus loin mes recherches, je me suis rendu compte que ce milieu a des ramifications partout, autant à New York, à Toronto qu'à Montréal. J'ai souhaité plonger un personnage occidental dans cet univers, qui pourrait être n'importe qui d'entre nous, pour que cette histoire résonne de façon plus intime, qu'il y ait un processus d'identification.»

Le milieu décrit dans Anna étant très dur, la question de la représentation de la violence à l'écran s'est très vite posée.

«J'ai voulu traiter cet aspect avec un très grand respect pour les gens qui la subissent, précise le cinéaste. À mes yeux, cela ne passe pas par la censure, mais plutôt par un souci de vérité. Au fil des premières représentations, je réalise que les gens ont l'impression que ce film est beaucoup plus violent qu'il ne l'est en réalité. Les scènes de violence se déroulent souvent hors champ. Mais l'évocation est forte.»

Une ambition internationale

Tourné en grande partie en Thaïlande et doté d'un budget plutôt modeste pour ce genre de production (1,5 million de dollars), Anna comporte aussi des scènes de style «guérilla», captées à la volée dans les rues au milieu des passants.

«Au départ, les autorités thaïlandaises ont refusé notre scénario parce que le pays était identifié dans l'histoire. Nous avons donc campé le récit dans un endroit non identifié. À partir du moment où l'accord a été conclu, nous avons été très bien reçus là-bas. Quand je suis arrivé à Bangkok pour faire passer des auditions en vue de trouver la comédienne qui jouerait le personnage de la jeune prostituée, 50 jeunes filles étaient là. C'était comme si la réalité de mon film me sautait au visage tout d'un coup. Ça devenait très concret.»

Reconnu pour son éclectisme (il signe notamment la réalisation de la série télévisée à succès Boomerang), Charles-Olivier Michaud estime sans ambages qu'Anna est ce qu'il a fait de mieux.

«C'est la chose que j'ai faite dont je suis le plus fier en tout cas, dit-il. Je me mets un peu à nu là-dedans. J'y ai mis beaucoup de moi-même, comme artiste et comme personne. J'arrive du festival de Busan, et la réaction des Coréens a été formidable. Le sujet les touchant de près, ils sont très ouverts au débat. Je n'ai jamais été aussi fier, en fait.»

Déjà acquis par un distributeur turc, Anna sera aussi bientôt présenté au festival de Singapour. La productrice Nicole Robert ne cache pas entretenir des ambitions internationales pour ce film, particulièrement sur le marché asiatique.