Dans le quartier Griffintown de Montréal, le Horse Palace est un vestige du 19e siècle. Toujours en activité, cette écurie à moitié en ruines constitue un des derniers éléments urbains marquant l'installation des immigrants irlandais dans ce secteur du sud-ouest de l'île.

Durant quelques décennies, le Horse Palace a abrité plusieurs chevaux et calèches que conduisaient les cochers du Vieux-Montréal. Et ce, grâce au travail obstiné de Leo Leonard, personnage principal (et maintenant décédé) d'un documentaire que la cinéaste Nadine Gomez consacre à l'endroit.

Après sa sortie en novembre dernier aux RIDM et avant sa projection en mai prochain au festival DOXA de Vancouver, le film arrive maintenant sur quelques grands écrans. Mme Gomez répond à nos questions.

Q : Citant un autre cinéaste, vous avez déjà dit qu'avant d'investir quelques années de sa vie dans un documentaire, il fallait tomber sur un sujet incroyable. Qu'est-ce qui est incroyable ici?

R : «Pour moi, l'histoire du Horse Palace est le genre de sujet très pointu qui est capable de parler de grandes choses. À travers l'histoire du lieu et des gens, on parle de la vie, de la mort, du temps qui passe, de l'histoire de Montréal, de la société occidentale, du monde ouvrier, etc. Il y a de la profondeur dans ce lieu et son histoire.»

Q : En quoi vous sentez-vous proche du sujet?

R : «J'ai découvert le Horse Palace par hasard, en faisant du vélo au bord du canal Lachine. J'ai été surprise d'y croiser un homme avec un cheval et des amis m'ont expliqué que Griffintown abritait les écuries des chevaux et calèches du Vieux-Montréal. À travers mon film, je me pose des questions sur mon identité sociale et québécoise. À travers ce lieu, on reconnecte avec une partie de notre histoire plus ou moins bien connue. J'y vois aussi des leçons de vie et d'humilité à être ainsi confrontée à Léo et aux cochers qui sont des gens très terre-à-terre.»

Q : Justement, Leo Leonard est au coeur du film. Qui est-il?

R : «Un vieil homme qui était un peu le symbole de la communauté irlandaise et d'une réalité ouvrière qui s'exprimait à travers la dualité entre francophones et anglophones de Montréal à une autre époque. C'était, à sa façon, un gardien de la mémoire qui racontait plein de choses sur son travail et son quartier. Il adorait raconter ses histoires aux gens et transmettait par le fait même une partie de notre mémoire autant sur la crise des années 30, que le fonctionnement de la ville, la construction du centre-cille, etc.»

Q : Quel est le lien entre tous les occupants du Horse Palace?

R : «Ce sont certainement des gens qui vivent dans un monde un peu déconnecté de celui dans lequel nous vivons. Ils ont un regard en décalage avec celui qui marque nos vies. Bien sûr, ce qui les unit est leur amour des animaux et des chevaux. En raison de leur travail, ils vont à leur propre rythme qui change au fil des saisons. Ce sont des choses que nous ne voyons plus.»

Q : Quel est votre prochain projet?

R : «J'ai des projets de docuementaires sur notre rapport au développement urbain et à la ville. Mais rien n'est confirmé pour l'instant.»

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Le documentaire Le Horse Palace (68 minutes) est actuellement présenté au cinéma Excentris à Montréal et au cinéma Cartier à Québec.