Le compositeur de musiques de films français Alexandre Desplat a reçu son premier Oscar dimanche pour The Grand Budapest Hotel, après huit nominations dans sa carrière.

Celui qui était nommé deux fois dans la catégorie de la meilleure bande originale dimanche, dont celle d'Imitation Game, et qui collabore régulièrement avec Roman Polanski et Jacques Audiard mais aussi avec le gratin des réalisateurs hollywoodiens, se confie à l'AFP sur l'origine de sa passion dévorante pour le cinéma et la musique.

Q: Que peut changer un Oscar dans votre vie?

R: Les prix, que ce soit un César, un Oscar, un Bafta (les prix du cinéma britannique, NDLR), ce sont des récompenses de vos pairs, mais ce n'est pas une fin en soi, on ne se dit pas au début de l'année "je vais faire un film et je vais gagner un Oscar". On pense à des gens comme Maurice Jarre, George Delerue (grands compositeurs de cinéma français, NDLR) pour les avoir rencontrés, aimés, avoir été inspirés par leur musique. L'Oscar c'est un objet surnaturel, un objet mythique qu'on garde dans l'axe de vision mais c'est une image floutée. Il faut se concentrer sur son travail et ce qui m'a toujours passionné, c'est la musique, j'ai toujours voulu être compositeur.

Quand j'avais quinze-seize ans, avant même de devenir flûtiste professionnel, car j'ai été flûtiste, je rêvais de cinéma. J'écoutais les musiques de films, je les collectionnais et en particulier tout le cinéma américain. Il faut savoir que j'ai une histoire américaine. Mes parents se sont rencontrés ici, ils étudiaient à Berkeley (en Californie). Ma mère est grecque, mon père français, ils ont vécu ici cinq ans et j'ai été élevé dans l'amour des États-Unis, de la Californie. J'ai aussi rencontré des musiciens formidables dans mon parcours, la plus importante étant celle avec laquelle je vis, une violoniste qui s'appelle (Dominique) Solrey (Lemonnier). Elle a enregistré toutes mes musiques, sans elle, son exigence musicale, cette bienveillance quotidienne et son attention à la musique que j'écris, je n'aurais jamais fait ce parcours.

Q: Vous avez besoin de voir le film pour écrire ou vous écrivez sur scénario? Comment avez-vous rencontré Wes Anderson, le réalisateur de Grand Budapest Hotel, avec qui vous aviez déjà tourné Moonrise Kingdom et Fantastic Mr Fox?

R: J'ai besoin de voir les images. Ce sont elles qui m'inspirent. Un scénario c'est formidable mais ça reste du papier et de l'encre. J'ai besoin de chercher la vibration entre la musique et l'image, il y a un rapport intime qui se crée et m'emporte. J'ai besoin d'aimer le film. Le script est alors une première étape, si le sujet ne me parle pas ou si vous pensez que vous l'avez déjà abordé vous n'avez pas forcément envie d'y retourner. Et puis, évidemment le metteur en scène compte. Wes Anderson, je l'ai rencontré grâce à un ami, Stephen Gaghan, un grand metteur en scène et scénariste. Il a notamment réalisé Syriana, dont j'ai écrit la musique, et d'où ma collaboration et mon amitié avec George Clooney (dont il a notamment composé la bande originale de Monuments men, NDLR). Wes Anderson vit entre Paris et à New York, il habite juste derrière chez moi à Montparnasse, donc on se voit régulièrement quand on travaille.

Q: De quoi rêvez-vous maintenant que vous avez gagné un Oscar?

R: Je rentre à Paris dans deux jours pour enregistrer d'ici trois semaines une musique pour le prochain film de Matteo Garrone, le réalisateur de Gomorrah (2008). J'ai après ça beaucoup de projets, avec Stephen Frears, Roman Polanski... C'est ça ma vie après l'Oscar, c'est-à-dire la même qu'avant, une vie de travail acharné ou plutôt une passion qui me dévore.