(Madrid) Grande figure du cinéma espagnol et européen, le réalisateur Carlos Saura, auteur d’une cinquantaine de films dont Cria cuervos en 1975, est décédé vendredi chez lui, près de Madrid, à l’âge de 91 ans.

« L’Académie du cinéma a le profond regret d’annoncer le décès de Carlos Saura […], l’un des cinéastes fondamentaux de l’histoire du cinéma espagnol, mort aujourd’hui à son domicile à 91 ans » dans la région de Madrid, « entouré de ses êtres chers », a-t-elle annoncé sur Twitter.

« Son dernier film, Las paredes hablan (les murs parlent), était sorti vendredi (dernier), preuve de son activité infatigable et de son amour pour son métier jusqu’à ses derniers instants », a-t-elle encore dit.

« Carlos Saura nous quitte, figure fondamentale de la culture espagnole », a réagi le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez.  

« Son talent fait et fera toujours partie du patrimoine culturel de notre histoire grâce à des films inoubliables comme ¡Ay, Carmela! ou La cousine Angélique. Nous disons au revoir au réalisateur de l’imagination, mais son cinéma, lui, reste », a ajouté le dirigeant socialiste.

« Son cinéma ne mourra jamais. Adieu, Carlos Saura », a également tweeté la Maison Royale, avec une photo montrant le cinéaste discutant avec le roi et la reine.

« Artiste total »

Né le 4 janvier 1932 à Huesca (Aragon, nord) dans une famille d’artistes, Carlos Saura, « créateur irremplaçable », devait recevoir samedi un Goya d’honneur lors de la cérémonie des récompenses du cinéma espagnol qui se tient à Séville.  

Le monde du cinéma espagnol, dont Saura était l’un des grands noms avec Luis Buñuel ou Pedro Almodovar, a salué la mémoire d’un « artiste total » ayant « reçu tous les prix imaginables durant sa carrière », selon les mots du ministre de la Culture, Miquel Iceta.

« Avec Carlos Saura, se meurt une partie ô combien importante de l’histoire du cinéma espagnol. Il laisse derrière lui une œuvre indispensable pour la réflexion profonde sur les comportements de l’être humain. Repose en paix mon ami », a réagi pour sa part l’acteur star Antonio Banderas.

Publiant une photo d’elle enfant sur les genoux de son père, sa fille Anna Saura, qu’il avait eue avec l’actrice Eulalia Ramón, lui a dit : « Repose en paix, merci pour tout. Je t’aime pour toujours ».

L’ancien président du Festival de Cannes Gilles Jacob a pour sa part salué un « artiste brillant, sophistiqué, d’une grande tendresse pour les gens humbles mais également un être d’une qualité humaine exceptionnelle ».

Cria cuervos

Réalisateur en 1975 de Cria cuervos – allégorie de la dictature qui a asphyxié son pays jusqu’à cette année-là et qui avait été prix du jury à Cannes –, Carlos Saura a d’abord placé son œuvre sous le signe du réalisme social avant de privilégier des films musicaux, notamment sur le flamenco, devenant, un peu malgré lui, un ambassadeur de la culture espagnole, mais pas uniquement.

Le premier ministre portugais António Costa a d’ailleurs voulu « rappeler la contribution fondamentale que son film Fados, a apportée à la candidature réussie du fado au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Saura, qui a tourné au total une cinquantaine de films, a obtenu sa première reconnaissance internationale en 1966 à Berlin avec un Ours d’argent pour La Chasse.

Il avait obtenu de nouveau la même récompense avec Peppermint frappé deux ans plus tard tandis que La cousine Angélique avait été aussi prix du jury à Cannes en 1974.

En 2016, dans un entretien avec l’AFP, le cinéaste avait affirmé que la reconnaissance dans son pays était venue « avec la vieillesse », se remémorant des critiques, parfois féroces, reçues par ses premiers films.

Il avait même estimé que s’il s’en était tenu aux soutiens reçus en Espagne, il n’aurait « tourné qu’un seul film », disant devoir « beaucoup » à la France, où il se rendait régulièrement.

Photographe depuis sa plus tendre enfance, le cinéaste a mis beaucoup de temps à montrer ses images. « Je gardais mes photos pour moi, jusqu’à ce qu’un ami me convainque de les exposer », confiait-il. Son premier livre de clichés a été publié en 2003.

Plusieurs fois marié et père de plusieurs enfants, il avait notamment été en couple avec Geraldine Chaplin, sa muse avec qui il avait eu un enfant.