En salle ce vendredi, le documentaire Jacques Parizeau et son pays imaginé, d’André Néron et de Jean-Pierre Roy, se définit comme un hommage à un bâtisseur du Québec et à un homme de conviction. Le film a du bon et du moins bon. Décryptage.

La thèse

André Néron a voulu faire son documentaire à la suite de la mort de M. Parizeau, le 1er juin 2015. Pour lui, l’ancien premier ministre est un bâtisseur du Québec qui n’a jamais mis ses convictions indépendantistes sur une voie secondaire. « Pour moi, Jacques Parizeau est un très grand homme, un politicien, dit M. Néron en entrevue avec La Presse. Ce film est une reconnaissance de ce bâtisseur. En politique, il y a moins de gens de conviction qu’avant. Beaucoup sont là pour leur égo. »

D’entrée de jeu, le documentaire évoque le souhait le plus cher à Jacques Parizeau : l’accession du Québec au statut de pays dans une perspective d’ouverture, de respect et de partenariat. Mais tout est dans la manière, et les réalisateurs ont déterré une petite perle dans les archives de Radio-Canada. On n’en dira pas plus !

Le film est émaillé d’images d’archives dont certaines sont archiconnues. On préfère les séquences immortalisant les premières années de « Monsieur » dans la sphère publique. Ainsi que les témoignages illustrant son désir d’un pays et sa foi dans la force du peuple qu’il voulait tirer vers le haut. Le sociologue Guy Rocher se rappelle, par exemple, combien M. Parizeau a été ébranlé d’apprendre, durant la commission Parent (1961-1966), que les Québécois étaient les moins scolarisés au pays.

Un choix limité d’intervenants

M. Rocher fait partie des dix hommes (et une femme) qui témoignent à la caméra. On remarquera l’absence de plusieurs ténors du mouvement souverainiste. Aucun historien ou biographe n’intervient non plus. Lisette Lapointe ne parle pas (Hadrien Parizeau représente la famille). « Moi, entendre des gens dire, comme on l’entend parfois dans ce genre de film, “oui, on l’aime, il était gentil, beau, fin…”, ça ne m’intéressait pas, se défend M. Néron.

Ce n’est pas un film politique partisan ni un reportage sur un ancien chef du Parti québécois. Il y a des gens comme Jean-Claude Rivest qui ont la parole et ne sont pas souverainistes. Je n’ai pas fait de calcul. J’ai voulu lui rendre hommage.

André Néron

De tous les témoignages, c’est celui de Jean Royer, chef de cabinet de M. Parizeau, qui est le plus solide. M. Royer parle avec respect et chaleur de l’ancien premier ministre et explique en détail ce qui est arrivé le soir du 30 octobre 1995 alors que les résultats du référendum sur la souveraineté ont peu à peu basculé en faveur du camp du Non : « M. Parizeau était en colère, contre lui, comme si la faute en était une personnelle. »

Le discours du 30 octobre 1995

De ce discours du 30 octobre 1995, André Néron a eu l’intelligence de présenter un extrait de 10 minutes. Il ne s’est pas arrêté au passage sur « l’argent pis [l]es votes ethniques », resté dans les mémoires. « Pour moi, c’était majeur de dire : voici ce qui s’est dit ce soir-là », explique-t-il.

C’est l’homme de cinéma Vincenzo Guzzo qui s’exprime sur la fameuse déclaration. « Quand on a entendu le commentaire, on est tous restés un peu figés, dit M. Guzzo dans le documentaire. Honnêtement, je ne pense pas qu’on est restés figés à cause du commentaire, mais parce qu’il a osé dire ce qui était une évidence. » Cela ne fait pas de M. Parizeau un homme raciste, ajoute M. Guzzo dans le film. Mais comme Vincenzo Guzzo participe au finanement, distribue et coproduit le documentaire, n’aurait-on pas dû donner la parole à quelqu’un d’autre ? « Quand j’ai vu qu’il avait la même interprétation que moi, je l’ai invité à intervenir, répond André Néron en entrevue. Ça n’a pas été négocié ni demandé. Il n’y a pas grand monde qui a défendu M. Parizeau et je trouvais pertinent de donner la parole à un fils d’immigrant connu. Ce n’est pas opportuniste. Dans le cadre d’un film hommage à M. Parizeau, il fallait corriger des choses. »

Notre avis

Jacques Parizeau et son pays imaginé remplit la mission qu’il s’est donnée : rendre hommage à un grand Québécois dont l’œuvre ne doit pas être résumée à une phrase. Espérons qu’il sera présenté aux jeunes. Par contre, ceux qui connaissent l’histoire du Québec depuis la Révolution tranquille n’apprendront pas grand-chose. Et on reste déçu par le choix limité et dirigé des participants. Un peu de nuance n’aurait pas fait de mal. Le format est par ailleurs très linéaire.

En salle le vendredi 27 janvier

Jacques Parizeau et son pays imaginé

Documentaire

Jacques Parizeau et son pays imaginé

Jean-Pierre Roy et André Néron

Avec Éric Bédard, Marc-André Bédard, Claude Béland, Yves Michaud, Hadrien Parizeau, Jean Royer

1 h 55