Pour bien des caravaniers, la liberté et le plaisir de se réveiller au milieu d’une forêt verdoyante en humant ses effluves ont des vertus thérapeutiques sans égales. Aussi agréable soit-elle, cette activité, qui a grandement gagné en popularité au Québec depuis 2021, implique dans bien des cas une consommation importante de carburant. Alors que l’industrie automobile l’adopte progressivement, l’électrique peut-elle être actuellement une solution de rechange viable pour pratiquer le camping ? Témoignages et éclairage sur un phénomène encore peu répandu.

Pour Claude Harvey, l’usage d’un véhicule électrique pour camper allait de soi. « Pour nous, ce qui sort au bout de l’échappement [d’un véhicule à essence], c’est des déchets. Je ne veux pas en rajouter dans l’atmosphère », justifie le retraité sherbrookois, qui parcourt depuis trois ans les terrains de camping canadiens avec sa conjointe. Durant cette période, M. Harvey a bouclé pas moins de 25 000 km au volant de son Tesla Model Y Long Range tout en remorquant une petite roulotte. Il dispose actuellement d’une Alto de 17 pieds de long construite par l’entreprise québécoise Safari Condo.

Le défi des bornes

Électroautomobiliste depuis neuf ans, il ne se cache pas que les bornes de recharge posent un défi important lorsqu’on tracte une charge avec un véhicule électrique, pour diverses raisons. D’abord, il y a l’inévitable planification en lien avec l’autonomie, chutant d’environ 50 % dans son cas pour se situer « entre 175 et 225 km ».

C’est une autre façon de voyager. On doit faire des arrêts plus fréquents et on coordonne les repas avec la recharge.

Claude Harvey, caravanier

La distance entre les bornes exige également de bien calculer ses trajets, un problème plus aigu dans l’Ouest canadien, a observé le caravanier, qui précise avoir choisi un modèle Tesla pour l’étendue du réseau de superchargeurs du constructeur qui s’ouvre par ailleurs progressivement aux autres marques.

La disposition des bornes en tant que telle peut également s’avérer problématique dans certains cas, témoigne M. Harvey. Malgré l’aspect plutôt compact de sa roulotte, il est arrivé quelquefois qu’il ait dû la détacher pour pouvoir amorcer la recharge de son véhicule.

Les avantages

En plus de ne pas consommer de carburant, ce qui diminue les coûts et les émissions polluantes, tracter une roulotte avec un véhicule électrique a d’autres avantages non négligeables, selon Claude Harvey.

« Traverser le Canada en voiture électrique en tractant une roulotte, c’est très plaisant », affirme-t-il. « Le véhicule est puissant, donc peu importe la côte, on actionne le régulateur de vitesse à 90 [km/h] et le véhicule garde sa vitesse. » M. Harvey n’a par ailleurs eu aucun ennui mécanique lors de ses voyages avec son Model Y, ce qui témoigne de la bonne thermorégulation de la batterie du VUS.

Un véhicule électrique permet également une indépendance plus complète au terrain de camping, car il peut fournir de l’énergie à la roulotte lorsque le site n’est pas pourvu d’électricité. Le caravanier souligne d’ailleurs ne pas avoir généralement eu de problèmes pour recharger son véhicule sur les terrains qu’il a visités.

Un phénomène encore embryonnaire

« La réaction que j’observe, c’est beaucoup de méfiance », déclare pour sa part sans détour à La Presse Paul Laquerre, rédacteur en chef du magazine Camping Caravaning. « Tous les préjugés que les gens peuvent avoir au sujet de l’électricité existent encore plus en caravaning », soutient-il. « Les gens ne savent pas quelle est la perte d’autonomie, ce qui les freine. » Une observation partagée par M. Harvey : « De façon générale, il y a beaucoup de curiosité, mais les gens ne sont pas prêts aux compromis. »

Observateur de l’industrie et caravanier à temps plein depuis 17 ans, M. Laquerre soutient que les terrains de camping québécois ne sont pas adaptés au virage électrique. « Il y a une tolérance sur certains campings, […] d’autres refusent carrément [la recharge] », constate-t-il.

Il explique cette réticence par le fait que des sites ont parfois un réseau électrique vétuste qu’ils doivent exploiter au maximum. Il est donc important de s’informer avant de faire une réservation.

« Une voiture électrique ne se remorque pas sur ses roues », met aussi en garde M. Laquerre, ce qui oblige son propriétaire à la placer sur une remorque complète, un équipement de plus qui n’est pas accepté sur tous les terrains de camping. C’est un autre élément qui peut freiner son adoption auprès des propriétaires de motorisés qui remorquent une voiture en voyageant.

Du côté des constructeurs de véhicules récréatifs, M. Laquerre estime « qu’il y a beaucoup de projets en gestation, mais rien de concret ». Il note l’existence du prototype d’une roulotte autopropulsée par un moteur électrique dévoilé l’année dernière par la marque Airstream. Une technologie innovante destinée à augmenter l’autonomie du véhicule électrique par la diminution de la charge qu’il tracte en synchronisant la vitesse des véhicules tracteur et tracté.

Malgré les écueils liés au caravaning avec un véhicule électrique, M. Laquerre juge qu’« il y a un désir d’aller vers ça » et que « ça s’en vient ». « Quand je ne tire pas ma roulotte, je ne consomme pas d’essence », avance pour sa part M. Harvey. Un argument de plus fort pertinent, il va sans dire.

Vos témoignages

PHOTO FOURNIE PAR MARTINE GAUTHIER

La distance entre les bornes exige de bien calculer ses trajets, un problème plus aigu dans l’Ouest canadien, a observé le Claude Harvey, qui parcourt depuis trois ans les terrains de camping canadiens avec sa conjointe.

Nous avons un Tesla Model Y et nous transportons une roulotte Mini Max de Little Guy qui pèse 2300 lb. Le Tesla tire la roulotte sans aucune difficulté, toutefois l’autonomie est amputée d’environ 60 %. Il est important de bien planifier ses déplacements. Un gros avantage est de recharger la voiture directement sur notre site de camping. Ainsi, nous avons pu faire la boucle de la Gaspésie sans avoir recours aux stations de recharge. Notre souhait serait que plus de stations de recharge offrent une borne accessible avec remorque telle que le Superchargeur Tesla de Lévis, ce qui éviterait d’avoir à détacher la roulotte du véhicule au moment de la recharge.

Martine Gauthier

Nous avons un Hyundai Ioniq 5 Ultimate 2022 et une roulotte d’environ 1500 lb avec le contenu, donc pas très lourde. La consommation passe près du simple au double, ce qui veut dire que nous ne faisons pas plus de 200 km avant de devoir recharger. C’est très désagréable de devoir penser à la recharge après 1 heure 30 de route et les bornes ne sont pas très présentes à ce rythme. Nous n’utilisons plus le véhicule électrique pour les trajets un peu longs, nous sommes chanceux d’avoir l’option d’un deuxième véhicule. À noter que le véhicule électrique réagit très bien au remorquage, c’est la consommation qui est problématique.

Jean-Pierre Duchesne

Je suis propriétaire d’un Tesla Model Y Long Range et d’une roulotte Classic 100 % électrique de Prolite (2470 lb). Nous sommes présentement en camping 100 % électrique aux États-Unis. Nous sommes descendus tranquillement jusqu’à Rehoboth Beach au Delaware en passant par Philadelphie et détour jusqu’à Washington ; nous y sommes restés 6 jours et nous sommes en train de revenir. Le voyage total est de 14 jours. Nous faisions environ 300 km par jour. Nous aurions pu en faire beaucoup plus, mais c’était notre choix. Nous avons pu recharger sans frais à tous les campings que nous avons faits (sauf une nuit sans électricité).

Alain Scuvée

J’ai campé quelques fois avec la tente-roulotte. Nous chargeons à 100 % avant de partir. J’habite à Gatineau et je suis allé camper à Bromont. À l’aller et au retour, j’ai chargé à Rigaud pendant la pause dîner et lecture. Je n’ai pas senti que j’attendais. Il n’y a malheureusement que deux bornes de 50 kW à Rigaud, alors que c’est pourtant l’endroit idéal pour arrêter. Il m’est déjà arrivé d’attendre qu’une borne se libère ou de continuer mon chemin pour aller ailleurs. J’ai chargé à Bromont sur une prise électrique standard durant le week-end. Expérience très positive. J’aimais bien ma Hyundai Elantra GT GLS 2013, mais j’avais besoin de tirer la nouvelle tente-roulotte et je voulais acheter une voiture électrique. La disponibilité était restreinte en novembre dernier et je ne voulais pas attendre sur une liste, alors j’ai opté pour le Tesla Model Y, que j’adore. Le point négatif est le prix bien trop cher, mais je pouvais me le permettre.

Eric LaRochelle

En savoir plus
  • 1061
    Nombre de terrains de camping recensés au Québec en 2022
    Institut de la statistique du Québec
    14,6 %
    Pourcentage de la hausse des emplacements occupés par jour par des campeurs de passage au Québec en 2022
    Institut de la statistique du Québec