(Tokyo) Les constructeurs automobiles japonais Nissan et Honda, deux féroces rivaux historiques, ont confirmé vendredi envisager un « partenariat stratégique » dans l’électrique et les logiciels, d’énormes défis qu’ils ont en commun et où l’union peut faire la force.

Ils vont lancer dans un premier temps une étude de faisabilité sur leurs perspectives de collaboration dans les plateformes de logiciels pour l’automobile, des composants clés pour véhicules électriques (comme les batteries par exemple) et d’autres produits complémentaires, selon un communiqué.

« Notre industrie est à un tournant significatif » avec l’arrivée de « nouveaux acteurs » en plus des constructeurs automobiles historiques, a rappelé le directeur général de Nissan, Makoto Uchida, lors d’une conférence de presse à Tokyo avec son homologue chez Honda, Toshihiro Mibe.

« Ces marques émergentes, avec des produits innovants et de nouveaux modèles d’activité, percent sur le marché automobile et cherchent à devenir dominantes en capitalisant sur l’écrasante compétitivité de leurs prix et leur vitesse extraordinaire », a ajouté M. Uchida, dans une allusion à peine voilée aux constructeurs électriques chinois.

« Nous ne pouvons pas gagner cette course en gardant une approche traditionnelle », a-t-il ajouté.

L’éventuelle coopération entre les deux groupes devra établir « une relation gagnant-gagnant, c’est la condition de départ », a déclaré M. Mibe. Mais « rien n’est décidé pour l’instant », a-t-il précisé.

Les titres des deux groupes ont nettement progressé vendredi à la Bourse de Tokyo, où les investisseurs avaient anticipé ces annonces après des fuites dans la presse nipponne. Nissan a bondi de 3,19 % à la clôture, et Honda de 1,74 %, dans un marché en baisse de 0,26 %.

« Sous pression pour nouer des partenariats »

Les deux constructeurs cherchent à se renforcer rapidement dans l’électrique, un marché dont le décollage mondial depuis quelques années, surtout en Chine et en Europe, a pris de vitesse toute l’industrie automobile japonaise.

Tant Nissan que Honda sont en grande difficulté en Chine actuellement, et envisagent de réduire drastiquement leurs capacités de production dans le pays, selon le quotidien économique japonais Nikkei.

Au Japon également, même si la vague électrique y est plus faible qu’ailleurs, le marché automobile, historiquement ultra-dominé par les marques nipponnes, est désormais secoué par l’américain Tesla, l’arrivée du champion chinois de l’électrique BYD et le retour du sud-coréen Hyundai, là aussi avec des véhicules électrifiés.

Un rapprochement Nissan-Honda « va être bénéfique pour les deux » afin de réduire leurs coûts dans l’électrique, un segment « où il faut être présent », mais « plein d’incertitudes », a déclaré à l’AFP Tatsuo Yoshida, analyste automobile chez Bloomberg.

Les deux groupes « n’ont pas une taille critique suffisante » pour dégager des marges importantes, donc « ils sont sous pression pour nouer des partenariats », a aussi rappelé Chris Redl, analyste automobile basé au Japon interrogé vendredi par l’AFP.

Or, l’Alliance Renault-Nissan, qui a été refondée l’an dernier sur des bases plus équilibrées et un périmètre plus modeste, « est en train d’être détricotée », selon M. Redl, tandis que Honda et l’américain GM ont renoncé l’an dernier à produire ensemble des véhicules électriques.

« Même s’ils étaient des rivaux acharnés historiquement, cela fait plus sens pour Nissan de s’associer avec une autre entreprise japonaise comme Honda plutôt que de mener des guerres culturelles avec Renault », a encore estimé cet analyste.

« La grande question concerne le transfert de technologie. Y a-t-il des problèmes de propriété intellectuelle entre Renault et Nissan si Nissan conclut une alliance avec Honda et partage la propriété intellectuelle des véhicules électriques ? », s’est-il interrogé.


Une porte-parole de Renault a indiqué sobrement que, dans le nouvel accord qui avait été signé pour renouveler l’Alliance, les partenaires étaient « libres de leurs choix stratégiques ».

Nissan a dévoilé l’an dernier des investissements massifs pour fabriquer des véhicules électriques dans son usine de Sunderland, et prévoit aussi d’investir 600 millions d’euros dans Ampere, l’entité électrique de Renault.

Honda pour sa part est déjà associé depuis 2022 dans l’électrique avec le géant technologique japonais Sony, avec lequel il a créé une nouvelle marque automobile haut de gamme, Afeela, qui n’a cependant commercialisé aucun modèle pour l’instant.