La route s’est ouverte toute grande pour les voitures électriques, dont les ventes sont en forte hausse. Mais l’industrie automobile constate actuellement que la croissance attendue dans les prochaines années ne sera peut-être pas au rendez-vous.

Coup sur coup, les constructeurs de voitures électriques et de batteries qui investissent des milliards dans la filière électrique ont freiné les attentes au cours des derniers jours.

Étant donné la croissance phénoménale des ventes de véhicules électriques dans le monde, on se serait attendu à ce que l’industrie affiche un grand sourire lors de la publication de ses derniers résultats trimestriels. C’était plutôt le contraire.

Ça a commencé avec Tesla, le constructeur qui domine le marché. Même si l’entreprise a réduit à plusieurs reprises le prix de ses voitures, la hausse des taux d’intérêt fait en sorte que les gens n’ont pas les moyens d’acheter une Tesla, a dit Elon Musk aux analystes financiers. Il a fait savoir par la même occasion qu’il mettait la pédale douce sur l’investissement prévu dans une nouvelle usine au Mexique.

Ford vient aussi de modérer ses ambitions en matière d’électrification. L’entreprise a annoncé le report d’investissements prévus de 12 milliards, dont la construction d’une usine de batteries avec son partenaire coréen SK On, en raison du ralentissement de la demande. Les gens ne sont pas prêts à payer le prix plus élevé d’une voiture électrique par rapport aux voitures à essence, ont admis les dirigeants de Ford.

Un sondage récent de la firme Ipsos auprès des Américains indique que seulement 31 % d’entre eux songent à une voiture électrique pour leur prochain achat⁠1.

Mercredi dernier, GM et Honda ont mis fin à leur projet de construire ensemble une voiture électrique à prix abordable, pour lequel un investissement de 5 milliards avait été annoncé il y a un an.

Chez Volkswagen, les commandes de voitures électriques pour le marché européen sont en baisse de 50 % par rapport à l’an dernier et le constructeur a ralenti la cadence de production dans ses usines allemandes.

Le fabricant sud-coréen de batteries LG Energy a dit s’attendre lui aussi à ce que la demande de véhicules électriques ne soit pas à la hauteur des attentes de l’industrie.

Les bilans vont saigner

Les ventes de véhicules électriques continuent toutefois d’augmenter, et on peut le constater sur les routes du Québec. Le contexte québécois est toutefois particulier : le marché de la voiture électrique profite à la fois de subventions généreuses, d’une infrastructure de recharge adéquate et d’un prix de l’électricité parmi les plus bas en Amérique du Nord. Difficile de trouver une combinaison plus favorable ailleurs dans le monde.

L’essoufflement de la demande de voitures électriques était prévisible, avec l’économie qui ralentit et l’inflation et les taux d’intérêt qui augmentent. Mais il y a un autre obstacle sur la route de l’électrification.

Les constructeurs ont fait le plein dans le bassin de consommateurs les mieux nantis, que le prix élevé des voitures électriques ne rebutait pas. Ils doivent maintenant percer le marché de masse en offrant des modèles moins chers et au moins aussi performants que les éditions de luxe avec lesquelles ils sont arrivés dans ce nouveau marché.

Des milliards en investissements sont nécessaires alors que les bilans des entreprises saignent. Certaines souffrent plus que d’autres. Ford fait encore des profits, mais sa division des véhicules électriques affiche des pertes de plus de 2 milliards au cours des deux derniers trimestres.

Ni Ford ni les autres ne doutent que la voiture électrique est l’avenir de l’industrie automobile. Ils se rendent compte que la route qui y mène sera plus longue et, surtout, plus cahoteuse.

Lisez l’étude du groupe Ipsos (en anglais)
En savoir plus
  • 60 %
    La Chine a acheté 60 % de tous les véhicules électriques vendus dans le monde en 2022, l’Europe, 15 % et les États-Unis, 8 %.
    SOURCE : Agence internationale de l’énergie