La soirée était encore jeune. Il était environ 22h lorsque la Civic blanche de Georges Pierre Beaubien, 19 ans, est entrée en collision avec un autre véhicule. L'occupante de ce dernier n'a pas été blessée. Georges Pierre n'a pas eu cette chance. Cette année, il ne sera hélas pas le seul.

La soirée était encore jeune. Il était environ 22h lorsque la Civic blanche de Georges Pierre Beaubien, 19 ans, est entrée en collision avec un autre véhicule. L'occupante de ce dernier n'a pas été blessée. Georges Pierre n'a pas eu cette chance. Cette année, il ne sera hélas pas le seul.

Pour faire réfléchir les automobilistes de tous âges, les inciter à lever le pied, la famille de Georges Pierre a décidé d'exposer les restes de la voiture. Le message est fort. Beaucoup plus fort que ceux produits jusqu'ici par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Plus fort aussi que ces petites croix blanches ou ces gerbes de fleurs que l'on aperçoit le long de nos routes. Un exemple à suivre? Devrions-nous systématiquement exposer le long de nos routes des automobiles mutilées pour nous rappeler que nous conduisons parfois au-dessus de nos limites? Trop lugubre, dites-vous? Alors, devrions-nous inscrire le long des routes les plus meurtrières de la province le nombre de chacune de ses victimes? Ça fait moins mal, mais est-ce aussi efficace?

Contrairement à une certaine croyance populaire, la vitesse excessive sur nos routes n'est pas l'apanage exclusif de ces jeunes portant «leur casquette à l'envers». Tant s'en faut. Il suffit de se poster le long d'une voie publique, n'importe laquelle, pour voir que plusieurs de ces «as» du volant ont plusieurs kilomètres au compteur et ne conduisent pas tous des Civic.

Il serait trop facile de condamner les jeunes automobilistes. Ils sont inexpérimentés, ont appris la conduite sur le tas (en nous observant bien souvent) et roulent dans des véhicules dont la condition n'est pas forcément très au point. À qui la faute?

Vous vous prétendez un bon conducteur (ou conductrice), alors n'avons-nous pas la responsabilité de rappeler aux générations futures que nous ne sommes pas naturellement prédestinés à conduire un véhicule automobile? Avons-nous oublié que sans les aides à la conduite moderne (antiblocage, antipatinage, correcteur de stabilité électronique, etc.) dont nos véhicules sont munies et dont sont dépourvues ceux de nos enfants, sont destinées à pallier nos faiblesses et même, à la limite, à endormir la méfiance légitime que nous avions développée autrefois face à la conduite? Nous avons oublié, voilà tout. Et pour cause: comment peut-on apprendre de ses erreurs lorsque l'ordinateur de bord de son véhicule est programmé pour les camoufler? Que le silence dans l'habitacle nous fait oublier la vitesse à laquelle nous roulons? Nous avons oublié qu'il existe une corrélation directe entre la vitesse et la fausse impression de sécurité par les technologies actuelles. Sceptiques? Empruntez la bretelle d'une autoroute, n'importe laquelle, au volant d'une voiture déglinguée d'il y a 12 ans pour voir. Peut être, en raison de votre expérience, allez vous réussir à passer aussi vite que si vous étiez aux commandes de votre Infiniti G35x, votre BMW 328 Xi, mais à la condition que personne n'éternue en bordure de la route. Très peu d'entre nous, avons la volonté, voire l'humilité, de réviser certaines de nos habitudes, certains de nos comportements. Doit-on alors s'offusquer que les jeunes conducteurs «s'économisent» eux aussi en évitant de s'inscrire à des cours de conduite? Qu'aurions-nous fait à leur place? Hélas, la même chose. Avant d'en appeler à la répression et à un durcissement des règles, réfléchissons.

«L'Homme n'a pas le sens de la vitesse», écrivait Wolfgang Böcher du temps où il était professeur de prévention routière à l'Université d'Essen, en Allemagne. «En fait, disait-il, il n'a aucun sens biologique lui permettant d'apprécier la vitesse; il ne perçoit que l'accélération.»