Sur le papier, Le père est une pièce tendre et bouleversante sur la maladie d’Alzheimer et la perte d’autonomie. Malheureusement, la production à l’affiche du TNM, très froide et conceptuelle, empêche le drame et l’émotion de jaillir.

Le père, de Florian Zeller, l’un des grands succès du théâtre français des années 2010, s’annonçait comme un bouleversant duo père-fille, porté par deux interprètes virtuoses : Marc Messier et Catherine Trudeau… Hélas, la version québécoise présentée au TNM, dans une adaptation d’Emmanuel Reichenbach, est une grosse déception.

Ingénieur à la retraite et veuf au fort caractère, André présente des signes évidents de la maladie d’Alzheimer. Sa fille Anne décide de l’installer dans son grand appartement avec son mari. Mais l’état du paternel s’aggrave. Elle tente de trouver de l’aide à domicile pour protéger son père qui devient colérique, désemparé et de plus en plus confus avec le temps… Mais ce n’est pas facile de devenir, du jour au lendemain, le parent de nos parents.

Sous la direction d’Édith Patenaude, le texte cruel et touchant de Zeller se transforme en un objet froid.

D’abord, la scénographie est problématique. Toute l’action se déroule dans une boîte scénique à l’arrière-scène. Ce décor, qui reproduit l’appartement d’Anne et le dédale de la raison d’André, est divisé par une poutre au milieu et nous garde à distance du drame familial.

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Marc Messier, Sofia Blondin et Catherine Trudeau

Qui plus est, chaque scène est entrecoupée de (longues) pauses, durant laquelle des projecteurs, installés dans quatre rangées à l’avant-scène, aveuglent le public ! Cet éclairage éblouissant, outre le fait de plaire à Hydro-Québec, fait sans doute référence à une décharge électrique qui brouille les neurones du cerveau d’André… Or, au bout de 12 ou 15 fois, ça ne fait que ralentir le rythme du spectacle.

Bien sûr, la structure de la pièce – la répétition des dialogues, la substitution des personnages, la perte de repères chronologiques – permet cette liberté aux concepteurs et à la metteuse en scène. Au fil des scènes, les objets s’effacent, disparaissent, comme les souvenirs dans la mémoire d’André. Mais cela aurait pu être un moins appuyé dans la mise en scène.

Drôle de drame

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Marc Messier, Noémie O’Farrell et Adrien Bletton dans Le père

À sa création, en 2012 à Paris, Le père a confirmé la rencontre entre un acteur (le légendaire Robert Hirsch) et un personnage. Ici, le grand Marc Messier (secondé par l’excellente Catherine Trudeau) trouve aussi un rôle à la hauteur de son talent. Dans l’ensemble, le comédien tire bien son épingle du jeu. Hélas, la mise en scène lourdement conceptuelle l’empêche de livrer toute la détresse de son personnage.

Jeudi soir, à la première, on a entendu souvent des spectateurs éclater de rire en se tapant sur les cuisses ! On se serait cru à Broue… Certes, Zeller a écrit une comédie dramatique. Et les répliques fort drôles d’André font mouche dans cette production. Toutefois, la vulnérabilité du vieil homme passe au second plan. Comme si le spectacle de la maladie et de la fragilité de la vie était comique.

Consultez la page de la pièce
Le père

Le père

De Florian Zeller
Mise en scène par Édith Patenaude
Avec Marc Messier, Catherine Trudeau, Noémie O’Farrell…

Théâtre du Nouveau Monde, Jusqu’au 21 avril. 1 h 30 sans entracte

5/10