Traduit par Maryse Warda, Jamais, toujours, parfois (The Almighty Sometimes) est un texte qui a remporté de nombreux prix, depuis sa création en 2015, sous la plume de la jeune dramaturge australienne Kendall Feaver. La pièce est présentée en primeur canadienne au Rideau Vert. Et on n’en sort pas indemne.

Jamais, toujours, parfois aborde les thèmes du trouble d’identité, de la bipolarité et de la santé mentale des enfants, qu’elle juxtapose aux questions de la créativité, du pouvoir de l’imaginaire et de la liberté individuelle.

Anna, une femme de 18 ans, vit seule avec sa mère, depuis la mort du père. Elle a une imagination foisonnante, et elle veut devenir écrivaine. Or, elle doit composer avec une maladie mentale qui la déchire depuis son enfance. Sous médication depuis l’âge de 11 ans, elle décide de cesser de prendre ses médicaments. Une décision qui déstabilisera sa mère, son nouveau copain… et sa psychiatre qui la suit depuis près de 10 ans.

PHOTO DAVID OSPINA, FOURNIE PAR LE RIDEAU VERT

Simon Landry-Désy et Lauren Hartley

Tous les personnages ont leurs raisons dans Jamais, toujours, parfois. L’autrice ne juge personne. Sa pièce nous montre plutôt les multiples points de vue et nuances d’une problématique qui nous dépasse tout le monde.

« Que serait-il advenu d’une petite fille très précoce si elle n’avait pas reçu un diagnostic qui la force à une prise de médicaments ? », dit l’autrice. En juxtaposant la souffrance et la responsabilité des malades envers leur entourage, sa pièce pose la question : où commence la maladie, et où s’arrête l’identité de la personne vulnérable ? Elle interroge aussi la surmédication et les limites du diagnostic médical. D’ailleurs, la maladie n’est jamais nommée spécifiquement dans l’histoire.

En décidant de cesser de prendre sa médication qui l’assomme, par besoin d’autonomie, Anna replonge dans la pénible lutte contre sa maladie. Son choix ébranle fortement son entourage au quotidien. Difficile d’avoir la paix d’esprit dans ce domaine où l’on baigne constamment dans les zones de gris. Tout le monde s’interrogera sur son rôle : de parent, d’amoureux, de médecin…

Quatre virtuoses

PHOTO DAVID OSPINA, FOURNIE PAR LE RIDEAU VERT

Lauren Hartley et Marie-Laurence Moreau.

La metteuse en scène Brigitte Poupart dirige avec doigté un quatuor de virtuoses : Lauren Hartley, Annick Bergeron, Simon Landry-Désy et Marie-Laurence Moreau. Dans le rôle très exigeant d’Anna, Hartley est bouleversante, sidérante ! Annick Bergeron lui donne la réplique en mère « proche aidante ». Une femme à la fois contrôlante et aimante, mais au bout du rouleau. Le jeune Landry-Désy offre une fine et sensible composition dans le rôle d’Olivier, copain timoré d’Anna. Finalement, Marie-Laurence Moreau incarne avec justesse la psychiatre rigide, mais empathique.

PHOTO DAVID OSPINA, FOURNIE PAR LE RIDEAU VERT

Annick Bergeron et Lauren Hartley

Notre seul bémol : l’imposante scénographie réaliste qui nous transporte lourdement de la cuisine à la chambre d’hôpital, au cabinet de la psychiatre, etc. Le Rideau Vert reste l’une des rares compagnies de théâtre au Québec à proposer ce genre de décor, pivotant et très encombrant, dans ses productions. Comme on voyait… dans les années 1980.

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Jamais, toujours, parfois

Jamais, toujours, parfois

De Kendall Feaver. Mise en scène par Brigitte Poupart. 2 h 15 (sans entracte)

Au Rideau Vert, Jusqu’au 13 avril

8/10