Il y a 35 ans, un jeune homme a forcé l’arrêt de chars d’assaut sur la place Tiananmen à Pékin et est devenu le symbole de la jeunesse chinoise éprise de liberté. Une pièce de théâtre s’inspire du célèbre cliché.

Il peut être amer, le goût de la liberté… surtout quand il est repris comme slogan d’une marque de boisson gazeuse. Ce slogan fait partie des (très nombreuses) images qui défilent dans Chimerica, la nouvelle production à l’affiche de Duceppe.

Il s’agit d’une œuvre de fiction ancrée dans l’actualité des trois dernières décennies, signée par l’auteure britannique Lucy Kirkwood et mise en scène par Charles Dauphinais. Un thriller politique sur l’équilibre changeant des pouvoirs entre l’Est et l’Ouest, et un spectacle inégal qui nous fait réfléchir sur l’état du monde… À défaut de nous captiver.

On se souvient tous de l’image du « Tank Man » se tenant debout seul devant une colonne de véhicules militaires blindés au lendemain du massacre de la place Tiananmen, en 1989. Cet étudiant chinois de 19 ans, jamais retrouvé par la suite, deviendra instantanément l’icône de la démocratie occidentale et de la résistance au régime communiste.

Cette photographie est à la base de Chimerica, dont le titre est un mot-valise qui exprime les relations complexes entre les États-Unis et la Chine, avec en toile de fond le massacre de la place Tiananmen. Alors que les chars traversent Pékin et que les soldats martèlent la porte de son hôtel, Joe Schofield (Alexandre Goyette), un jeune photojournaliste américain, prend, de la fenêtre de sa chambre d’hôtel, cette célèbre photo qui lancera sa carrière.

Flash en avant. On retrouve Joe à New York, alors que le pays est en pleine course à l’élection présidentielle de 2012, celle qui donnera un second mandat à Barack Obama. Un message sibyllin laissé dans un journal chinois laisse croire que le Tank Man est vivant et habite aux États-Unis… Joe va partir à la recherche du héros inconnu qu’il a photographié 23 ans plus tôt.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

Chimerica nous fait constamment voyager entre les continents et les époques.

Matière à discussion

Durant près de trois heures (entracte compris), Chimerica nous fait constamment voyager entre les continents et les époques. La pièce pose des questions importantes sur l’émergence de la Chine dans l’échiquier mondial et, a contrario, le déclin de l’empire américain. Elle conteste la recherche de la vérité à n’importe quel prix, interroge la vraie nature de l’héroïsme. Et ce qu’il en coûte de se battre pour ses idéaux. Elle remet aussi en question le sensationnalisme dans la couverture médiatique. Bref, il y a matière à discussion.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

Alexandre Goyette et Marie-Hélène Thibault dans Chimerica

Toutefois, malgré toute la bonne volonté d’Alexandre Goyette, il faut s’armer de patience pour suivre le récit de Joe, un personnage qui fait du surplace dramatiquement et n’évolue pas d’un iota. Car sa quête pleine de rebondissements devient vite de l’acharnement. Et n’épargne personne. À ses côtés, Marie-Hélène Thibault joue une journaliste cynique et Marie-Laurence Moreau, une femme désillusionnée par son métier et par l’économie de marché. La distribution comprend quelques interprètes d’origine chinoise, parlant mandarin, dont Derek Kwan, qui interprète le personnage de Zhang Lin. Des surtitres en français sont projetés au-dessus de la scène.

La mise en scène est très chargée. On nous transporte d’un lieu à l’autre, entre 1989 et 2012, au point de nous étourdir un peu.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

La distribution comprend quelques interprètes d’origine chinoise, parlant mandarin, avec des surtitres en français au-dessus de la scène.

On est aussi bombardé d’images et de changements de décor. On se sent écrasé tant par le poids des deux superpuissances que par la mécanique de cette production qui manque d’huile.

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Chimerica

Chimerica

De Lucy Kirkwood. Mise en scène de Charles Dauphinais. Traduction de Maryse Warda. Avec Alexandre Goyette, Marie-Laurence Moreau, Marie-Hélène Thibault et neuf autres interprètes.

Chez Duceppe, Jusqu’au 17 février

6/10