En 2021, Fanny Britt et Ariane Moffatt ont uni leurs talents sur la douce chanson Phèdre en forêt, parue sur l’album Incarnat. La dramaturge et l’autrice-compositrice-interprète ont répété l’expérience, mais pour un projet fort différent. Et plus ambitieux. Elles signent respectivement les textes et la musique de la plus récente pièce du Théâtre de l’Œil, 176 pas. Rencontre.

Quand Simon Boudreault, directeur artistique du Théâtre de l’Œil, l’a pressentie pour écrire la prochaine pièce de sa compagnie, Fanny Britt n’a pas hésité.

« Ça m’a tout de suite tenté », se souvient la dramaturge, qui a très peu touché au théâtre de marionnettes dans sa carrière.

Cette proposition d’écrire pour un public de 6 à 10 ans est arrivée « juste au bon moment ». Au moment où son plus jeune fils quittait tranquillement l’enfance.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Fanny Britt

Je pense que ça a été ça mon premier élan : une envie de rester dans le monde de l’enfance un peu plus longtemps.

Fanny Britt, dramaturge

C’est dans l’univers d’Octave, un garçon solitaire, et de Delphine, une fillette avec des difficultés d’apprentissage, qu’elle s’est plongée. Deux enfants de milieux fort différents qui se lient d’amitié.

« En apparence, Delphine est une enfant très libre, très extravertie, bien dans sa peau, drôle… Octave a l’air un peu plus coincé. Il a peur de beaucoup de choses. Il y a beaucoup de règlements dans sa tête qui sont très difficiles à transgresser », détaille l’autrice.

Au fil de leur amitié naissante – et conflictuelle, par moments, précise Fanny Britt –, ils s’apprendront mutuellement à repousser leurs peurs.

Le piano d’Octave et d’Ariane

Puisqu’Octave est « un pianiste qui joue merveilleusement bien de son instrument », la musique, signée Ariane Moffatt, occupe une place importante dans 176 pas.

« Le point central, c’est sûr que c’est le piano. Il y a beaucoup d’interventions lors desquelles Octave pratique », explique l’autrice-compositrice-interprète lorsqu’on la questionne sur l’univers musical de la pièce.

Mais, à l’image d’Ariane Moffatt, il y a également la présence de synthétiseurs, qui illustrent une certaine transformation chez Octave. S’ajoutent à cela de la harpe et des cuivres.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Ariane Moffatt

C’est la toute première fois qu’Ariane Moffatt fait de la conception musicale pour une pièce. Aimerait-elle répéter l’expérience ? « Ben oui ! Être au service d’autres univers, c’est super enrichissant », répond-elle, en souhaitant travailler de nouveau pour le théâtre ou même pour le cinéma.

Ariane Moffatt a trouvé le projet d’autant plus stimulant qu’il s’adresse directement aux enfants de l’âge de ses garçons. « C’est une source de motivation, d’inspiration ! »

Aussi pour les grands enfants

Peu avant de recevoir La Presse à la maison de la culture Claude-Léveillée, où l’équipe de 176 pas répète, Ariane Moffatt et Fanny Britt ont assisté à un enchaînement devant un public composé de jeunes et d’adultes. C’est la réaction de ces derniers qui a particulièrement marqué la dramaturge. « On sentait qu’il y avait beaucoup d’émotions d’anciens enfants », résume-t-elle.

Certains thèmes abordés sont d’ailleurs susceptibles de résonner chez un public plus vieux. « Aujourd’hui, ça m’a frappée pendant l’enchaînement. Je me disais : ‟Mon Dieu ! Je me parle à moi-même dans cette pièce-là” », a réalisé Fanny Britt. À quel sujet ? « Le plaisir de créer. »

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Octave et sa mère en compagnie de leur concepteur, Richard Lacroix

La mère d’Octave est un personnage très rigide, explique Fanny Britt. « Une des affaires qu’elle veut contrôler chez lui, c’est le désir de créer, parce qu’elle a peur qu’il se pète la gueule, que ça ne fonctionne pas pour lui, qu’il soit déçu, qu’il soit rejeté. »

Or, Octave tente de lui expliquer la beauté de créer et ce que ça lui procure. « Avant, il n’y avait rien, et maintenant, il y a quelque chose », illustre le personnage, dans ses mots d’enfant.

La pièce parle beaucoup du « choix de créer », ajoute Ariane Moffatt. « De se donner le droit d’avoir une voix qui va peut-être toucher quelqu’un. »

Habituée de s’adresser à un public jeunesse, notamment à travers ses livres, dont Truffe et Louis parmi les spectres, Fanny Britt s’inquiète d’ailleurs de l’accès à la culture et aux arts vivants pour les enfants.

« Toutes les structures de création, et même les structures médiatiques traditionnelles, sont en train de s’effondrer. C’est plus important que jamais de maintenir la rencontre entre [les] êtres humains qui font de la création et [les] êtres humains qui sont en train de se créer », croit-elle.

Une pièce comme 176 pas peut ouvrir la discussion sur une foule de sujets, fait-elle valoir : « la dyslexie, la différence à l’école, l’anxiété, le deuil, la perte d’un parent, la nature de l’amitié ».

C’est le cas de cette pièce, mais de beaucoup d’autres également, conclut-elle.

176 pas, à la Maison Théâtre, du 15 au 25 novembre, puis en tournée ailleurs en province

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