Il y a du théâtre qui bouleverse, qui dérange, qui déniaise ou qui apaise. Et il y a le théâtre qui divertit, purement et simplement. Sans désir d’en faire plus que le client en demande. La production d’Ils étaient dix par la Comédie humaine est sans conteste du nombre.

L’adaptation théâtrale du roman d’Agatha Christie, publié en 1939, a été jouée maintes et maintes fois à travers le monde. Elle est reprise depuis peu par la bande de la Comédie humaine en collaboration avec les Productions Martin Leclerc.

Dirigée ici par Martin Lavigne, la pièce met en scène 10 personnages rassemblés sur une île au large des côtes de l’Angleterre. A priori, ils n’ont rien en commun, sauf d’avoir reçu une invitation écrite pour un week-end dans une luxueuse villa.

Mais ce qui s’annonçait comme d’agréables vacances à la mer va vite tourner au drame, les invités trépassant un à un. L’assassin fait partie des convives. Est-ce que les autres invités (et le public) arriveront à le (ou la…) démasquer ?

La recette du huis clos meurtrier imaginée par Agatha Christie a été copiée jusqu’à plus soif, mais il faut rendre hommage à la reine incontestée du roman policier : celle-ci est fichtrement efficace.

Tout comme l’est le spectacle de la Comédie humaine. Ceux qui ne connaissent pas le dénouement de cette intrigue se font vite prendre au jeu. La semaine dernière, au théâtre Mirella et Lino Saputo de Saint-Léonard, certains spectateurs échangeaient des hypothèses à voix basse : « C’est lui ! C’est elle ! Il sera le prochain à mourir ! Non, ce sera elle… »

PHOTO JEAN-CHARLES LABARRE, FOURNIE PAR LES PRODUCTIONS MARTIN LECLERC

La distribution de la pièce Ils étaient dix

Sur la route

Pour interpréter ces 10 personnages en grand danger de finir en macchabée, la Comédie humaine a rassemblé de vieux routiers de la scène – comme Pierre Gendron, Mireille Deyglun et Marc-André Coallier – et des acteurs moins connus. Tous jouent leur partition avec sobriété et sans trop d’esbroufe. Dans certains cas, la caricature n’est pas très loin, mais on est ici devant des personnages archétypaux qui n’ont pas été écrits à l’origine avec beaucoup de subtilité.

La mise en scène reste assez convenue, avec musique grave à chaque nouveau cadavre, mais encore là, on a choisi l’efficacité plutôt que les effets scéniques flamboyants.

Il faut dire que cette pièce va beaucoup voyager dans les deux prochaines années. Des spectacles grand public sont prévus jusqu’en mai 2024 à travers le Québec, de l’Abitibi au Saguenay, en passant par Montréal, Sherbrooke et Québec.

De nombreuses représentations scolaires – 125 environ – sont aussi au programme. Et c’est tant mieux si le théâtre va ainsi vers les élèves du Québec, où qu’ils soient. Plusieurs jeunes vont pouvoir découvrir le plus bel art du monde (sans aucun parti pris ici !) avec ce thriller indémodable, même s’il est aujourd’hui enveloppé d’un charme suranné. Des lettres écrites à la main pour attirer les victimes ? Pas de téléphone pour appeler à l’aide ? Il fut un temps où pareille embuscade était possible !

Ces jeunes spectateurs – et même les moins jeunes qui s’initieraient au théâtre avec Ils étaient dix – auront peut-être envie d’en voir plus. De se tourner vers des pièces plus exigeantes, vers des propositions plus audacieuses, vers des classiques revisités avec plus d’inventivité. L’important est de provoquer chez eux la première étincelle. Et cette production bien ficelée peut sans conteste servir de bougie d’allumage.

Toutefois, les connaisseurs de la chose théâtrale n’auront pas grand-chose à se mettre sous la dent. Ce spectacle n’a de toute évidence pas été monté pour eux.

Consultez les dates de la tournée de la pièce
Ils étaient dix

Ils étaient dix

D’après Agatha Christie, mise en scène Martin Lavigne

En tournée à travers le Québec

6/10