Nos critiques de bandes dessinées d’ici et d’ailleurs.

Une fabuleuse quête signée Fabrizio Dori

Épaté par Le divin scénario (réalisé avec Jacky Beneteaud), c’est avec une grande curiosité qu’on a ouvert le nouvel album de Fabrizio Dori. Le fils de Pan est une autre « comédie antique » : on suit Eustis, qui doit aider le fils de Pan à trouver son nom et sa spécialité dans les marges du monde réel, où les humains ont relégué les divinités depuis l’avènement du monothéisme et, plus encore, de la société de consommation. Pleine d’esprit et de couleurs, cette rocambolesque aventure est aussi magnifiquement mise en scène par Fabrizio Dori, qui puise autant dans l’art antique que contemporain, multipliant les clins d’œil (la série Twin Peaks de David Lynch, l’art abstrait de Piet Mondrian, etc.). Encore une folle histoire qui risque de se retrouver parmi mes coups de cœur de l’année.

Le fils de Pan

Le fils de Pan

Sarbacane

224 pages

9/10

Un voyage sympa « au Canada »

Après le sympathique, mais anecdotique Sous les galets, la plage, le prolifique Pascal Rabaté met sa patte sur une histoire de François Ravard qui se déroule… au Québec. La loi des probabilités raconte le « voyage au Canada » de Martin Henry, un Français qui rêvait de voir les baleines du Saint-Laurent et décide de réaliser son souhait lorsqu’il apprend qu’il ne lui reste plus que trois mois à vivre. Le récit est léger, le ton est à la comédie, et le dessin de Rabaté, tout en finesse et habillé d’une palette de bleu froid, est d’une telle expressivité qu’on s’attache tout de suite aux personnages et à cette histoire parfois rocambolesque à la finale romantique.

La loi des probabilités

La loi des probabilités

Futuropolis

86 pages

7/10

Transcender le deuil

Dessinateur et scénographe, François Schuiten reste d’abord, pour bien des lecteurs, le créateur d’images des Cités obscures, fantastique série coréalisée avec Benoît Peeters. Jim n’a rien à voir avec tout ça. C’est le récit trop vrai d’un deuil, celui de son chien, et d’un artiste qui, en produisant un dessin de son fidèle compagnon chaque jour, tente d’apaiser sa peine. On ne sait pas si ses larmes se sont complètement asséchées, mais son petit bouquin est un bijou de poésie qui transcende son expérience, ou même la perte d’un animal de compagnie, pour raconter le deuil avec une infinie tendresse.

Jim

Jim

Rue de Sèvres

126 pages

8/10

Petite musique triste

L’artiste Éléonore Goldberg, née en France et installée à Montréal, propose avec La fiancée sa relecture toute personnelle d’un classique du théâtre yiddish appelé Le dibbouk, apparemment considéré comme le Roméo et Juliette de la littérature juive d’Europe de l’Est. Elle met en scène une jeune femme éplorée à qui l’on conseille de lire la fameuse pièce pour traverser un chagrin d’amour. Elle n’est pas convaincue, au début : comment une histoire qui raconte les amours tristes d’une jeune femme forcée d’épouser un homme qu’elle n’aime pas et qui, le jour de son mariage, se révèle possédée par une âme errante, le fameux « dibbouk », pourrait-elle la consoler ? La fiancée parle autant de rébellion que de transmission, puisqu’en enchâssant les deux récits – l’un contemporain, l’autre traditionnel –, l’autrice fait le pont entre deux visions du monde et reconnecte son personnage à une part d’elle-même. Elle le fait aussi à l’aide d’un dessin expressif, de l’ordre des esquisses raffinées, rendu dans une encre d’un noir bleuté (ou d’un bleu très foncé) fort à propos.

La fiancée

La fiancée

Mécanique Générale

312 pages.

7/10