Après un premier passage écourté par la pandémie en mars 2020, la pièce L’Inframonde est de retour à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, traînant dans son sillage son lot de questions troublantes.

En effet, on sort secoué de ce bijou de spectacle écrit par l’Américaine Jennifer Haley, traduit par Étienne Lepage et mis en scène par Catherine Vidal. Ce thriller de science-fiction hyper-dérangeant, campé dans un avenir dangereusement imminent, met en scène une détective (Rose-Anne Déry, très juste) chargée d’enquêter sur un personnage louche de l’Inframonde, qui se fait appeler Papa.

L’Inframonde ? C’est le nom donné à une plateforme virtuelle très sophistiquée où les utilisateurs en immersion totale peuvent assouvir toutes leurs pulsions. Y compris celles qui sont condamnées dans la réalité.

Papa règne en roi sur un jeu virtuel immersif appelé le Refuge où des humains de chair et de sang se cachent derrière des avatars pour faire des gestes que nous ne révélerons pas ici. Mais pensez au pire de l’humanité.

Or, suivre ses plus bas instincts, caché derrière un avatar, est-il moral ? Les lois du monde concret peuvent-elles s’appliquer dans un univers numérique ? La souffrance est-elle évacuée dans une vie virtuelle où chacun peut agir en toute impunité ? Vaste débat philosophique ! Car après tout, les sensations et les émotions vécues par les joueurs-utilisateurs de l’Inframonde restent bien réelles…

C’est là tout le génie de ce texte : bousculer les limites de notre morale en faisant pencher le balancier de notre justice intérieure d’un côté puis de l’autre. Le tout sans jamais nous donner de réponses toutes faites…

PHOTO VINCENT OUELLET-VINZI, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DENISE-PELLETIER

Les interprètes Rose-Anne Déry et Igor Ovadis font preuve d’un aplomb qui mérite d’être souligné.

À la mise en scène, Catherine Vidal a réussi à créer deux univers diamétralement opposés sur la petite scène de Fred-Barry : l’un froid et détaché, l’autre onirique et apaisant. Ce qui ne fait qu’ajouter à notre trouble… Les interprètes – Igor Ovadis et Anaïs Cadorette Bonin en tête – font aussi preuve d’un aplomb qu’il faut souligner.

Bref, on sort de cette dystopie complètement sonné, déchiré par des dilemmes moraux auxquels l’humanité entière sera forcée de réfléchir tôt ou tard. Car avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle, l’Inframonde pourrait très (trop ?) rapidement passer de la fiction à la réalité.

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L’Inframonde

L’Inframonde

Pièce de Jennifer Haley, mise en scène de Catherine Vidal. Avec Rose-Anne Déry, Yannick Chapdelaine et Igor Ovadis

Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier , Jusqu’au 21 octobre

8/10