Si Nicole Garcia est souvent venue à Montréal pour défendre ses films, c’est la première fois qu’on la verra ici au théâtre. L’actrice sera sur les planches du TNM dans Royan, la professeure de français, un spectacle solo créé au Festival d’Avignon en 2021.

Au bout du téléphone, à Paris, Nicole Garcia répond au journaliste de sa voix grave, un peu rauque, et séduisante. Elle hésite, cherche le mot juste, semble faire le tri dans sa mémoire d’actrice. Soixante ans de carrière au théâtre et sur les écrans, des dizaines de rôles sous la direction des plus grands noms du cinéma français, une dizaine de films derrière la caméra à titre de réalisatrice.

Il ne manquait qu’un spectacle solo à ce beau parcours. Royan est son premier « seule-en-scène », sous la direction de son fils, le metteur en scène Frédéric Bélier-Garcia (elle a un autre fils, Pierre Rochefort, chanteur et acteur, qu’elle a eu avec le comédien Jean Rochefort). « C’est la solitude de mon personnage, Gabriella, qui impose un monologue. Cette professeure est hantée par ses fantômes. Elle s’adresse à nous comme dans un interrogatoire de police, une garde à vue, avant de passer aux aveux. On sent sa fragilité, une culpabilité qu’elle ne peut nommer, car elle vit sa vie sous une cuirasse. »

Pour moi, la fiction est une grande ruse. L’auteur s’en sert pour dévoiler des choses personnelles, très intimes. François Truffault disait qu’en voyant la première copie d’un film terminé, il comprenait enfin pourquoi il avait passé un an de sa vie à le faire…

Nicole Garcia

Si Nicole Garcia fait des allers-retours entre cinéma et théâtre, son cœur penche pour les planches : « Le théâtre, c’est la source, dit-elle. Plus jeune, j’ai cru que je ferais uniquement du théâtre ; le cinéma est arrivé assez tard dans ma carrière. Sur scène, j’ai le sentiment d’être chez moi, à la maison. C’est comme revenir à quelque chose proche de l’enfance. »

PHOTO JEAN-LOUIS FERNANDEZ, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Nicole Garcia dans Royan, la professeure de français. : « C’est une histoire bouleversante. »

L’école des femmes

Royan, la professeure de français a été écrit spécialement pour Nicole Garcia. La pièce de Marie NDiaye met en lumière des problématiques qui secouent le milieu scolaire, dont le harcèlement et l’intimidation.

Frédéric Bélier-Garcia connaît bien l’œuvre de la romancière française d’origine sénégalaise, la musicalité de ses mots. Et il a déjà mis en scène trois de ses textes au théâtre.

Cette professeure de français, Gabriella, vit seule à Royan, une ville sur la côte atlantique, près de La Rochelle. Elle a été témoin d’un drame avec une élève de son lycée. Les parents de l’adolescente se rendent à son domicile pour l’interroger. Mais Gabriella refuse de les voir. L’enseignante craint de céder à la folie, de déterrer ses fantômes du passé en leur parlant…

Dans Royan, on retrouve les thèmes chers à Marie NDiaye : la culpabilité, l’absence, les faux-semblants, les convenances. « C’est une histoire bouleversante, dit Garcia. À la représentation, le texte prend tout son sens. Marie NDiaye a une notion du tragique dans l’existence. C’est loin du [théâtre] psychologique. »

Royan, la professeure de français. Au Théâtre du Nouveau Monde, du 13 au 17 juin.

Consultez le site du TNM

Le #metoo du cinéma français

PHOTO CHRISTOPHE SIMON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La réalisatrice Maïwenn avec Johnny Depp sur le tapis rouge du Festival de Cannes, le 17 mai dernier

La Presse a interviewé Nicole Garcia il y a deux semaines, juste après la sortie de l’actrice Adèle Haenel sur la « violence du milieu du cinéma français ». Et au beau milieu du Festival de Cannes, plongé dans une polémique autour de la présence de Johnny Depp à la cérémonie d’ouverture, vedette du long métrage de Maïwenn, Jeanne du Barry. Décision qui a mené à la publication d’une lettre ouverte signée par 123 actrices et acteurs dans le journal Libération, pour exprimer « leur indignation » face à « un système qui soutient les agresseurs ».

Qu’en pense la cinéaste ? À son avis, ça va parfois trop loin. « Si le mouvement #metoo est arrivé avec cette force-là, c’est parce qu’il est nécessaire. Et son impact est salutaire. Il faut corriger les excès, circonscrire ces hommes de pouvoir qui ont eu des inconduites dans le milieu. Mais il faut faire attention aux dérives, afin de ne pas transformer la lutte en guerre des sexes. Si les femmes commencent à se méfier de tous les hommes, à les voir en ennemis, ça va devenir cynique sur les plateaux. Il faut recommencer à vivre et à s’aimer. »

Qui est Nicole Garcia ?

  • Née à en Oran en 1946, elle fait des études en philosophie et en théâtre.
  • En 1967, sa carrière sur les planches débute après avoir obtenu un Premier Prix au Conservatoire national d’art dramatique de Paris.
  • En 1980, l’actrice devient célèbre grâce à son interprétation bouleversante dans Mon oncle d’Amérique, puis dans Les uns et les autres et Péril en la demeure.
  • En 1990, elle réalise son premier long métrage, Un week-end sur deux. Suivront Le fils préféré, Place Vendôme, L’adversaire, Mal de pierres…