Pour la saison prochaine, la direction du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTD’A) propose une programmation conçue comme un jeu de miroirs où les générations s’interpellent et se répondent.

Au total, neuf spectacles et trois évènements sont présentés dans les deux salles du théâtre de la rue Saint-Denis. « Avec tous les bouleversements que l’on a connus au cours des dernières années, j’ai eu envie de déplacer un peu l’ADN du théâtre », explique le directeur artistique du CTD’A, Sylvain Bélanger. « Notre identité a toujours été de s’attarder à qui nous sommes, pour nous permettre de nous observer, de nous définir. J’ai eu envie de me pencher cette fois sur ce qu’on devient dans ce monde où il est difficile de prendre du recul. Les artistes tentent de le faire ; ils ont soif de parler des choix qu’on est en train de faire. »

« Je veux m’inscrire dans le mouvement actuel, sans avoir peur d’être bousculé. Les propositions sont très variées sur le plan esthétique, formel et dramaturgique. Les artistes adoptent des postures délinquante, insoumise, fière et indisciplinée. Ils ont du guts ! », poursuit Sylvain Bélanger.

Dans la salle Michelle-Rossignol, la saison s’ouvre avec Les Mutant.es, qui est le prolongement d’un grand chantier mené par Sophie Cadieux et Sylvain Bélanger il y a 12 ans, chantier qui avait mené à un spectacle. « On a eu envie de retrouver la génération X, qui est la mienne, 12 ans plus tard », dit celui qui cosigne ici texte et mise en scène.

Suit, en novembre, la pièce Nzinga, portée par Tatiana Zinga Botao. « Nzinga, c’est la posture fière de l’immigration d’une personne qui a choisi le Québec. Tatiana partage le nom d’une reine congolaise du XVIIsiècle, une grande figure oubliée de l’histoire. Ici, la tradition orale est vraiment mise de l’avant », dit le directeur artistique.

Autre figure mythique – de l’art visuel, cette fois – que beaucoup ont oubliée et qui s’invite au CDT’A en février : l’artiste américaine Judy Chicago, qui donne son nom au spectacle. La dramaturge Gabrielle Lessard s’est inspirée de cette femme ayant mené de nombreux combats contre les institutions dirigées par des hommes.

« Judy Chicago était snobée par les galeries, les musées. Avec ses dialogues très punchés, très directs, Gabrielle a décidé d’infuser la personnalité de l’artiste dans le destin de ses personnages. Comme pour Nzinga, la pièce permet de nous inscrire dans une trajectoire historique, de s’appuyer sur le passé pour nous construire. Cette verticalité est très riche », estime Sylvain Bélanger.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le directeur artistique du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Sylvain Bélanger

Dans Coup de vieux, qui clôt la saison dans la salle principale, c’est la langue de Larry Tremblay qui déploie toute sa richesse, alors qu’il donne la parole aux gens de sa génération, qui ont été particulièrement malmenés par la pandémie. « On découvre six personnages vieillissants qui ont énormément de répartie, beaucoup de tendresse, mais qui sont peu à peu affectés par des pertes cognitives. Larry et le metteur en scène Claude Poissant insufflent beaucoup de candeur et d’impudeur à la pièce. »

Conversation d’une salle à une autre

Dans la petite salle Jean-Claude-Germain, située à l’étage, cinq pièces sont prévues, chacune ou presque répondant à celle qui sera jouée au même moment dans la salle principale. Il sera d’abord question ici des promesses (non tenues ?) du théâtre avec Équinoxe, une pièce d’Hugo Fréjabise portée par de jeunes acteurs sortant des écoles.

Suivra la reprise du texte de science-fiction Seeker, de Marie-Claude Verdier, lauréate du prix Michel-Tremblay. En janvier, l’artiste non binaire Cha Raoutenfeld propose Papeça, une pièce sur le combat identitaire sur l’affirmation du genre.

Pendant que dans la grande salle, les aînés de Larry Tremblay se raconteront, la pièce Chevtchenko se déploiera à la salle Jean-Claude-Germain. Ici, trois frères sont forcés de prendre soin de leur père, un homme d’origine ukrainienne qui souffre d’une maladie dégénérative. Un texte signé Guillaume Chapnick.

Le mot de la fin reviendra toutefois aux quatre protagonistes de la pièce S’enjailler de Stephie Mazunya. « La langue vernaculaire explose ici, lance Sylvain Bélanger. C’est une langue métissée venue des quartiers de Montréal. Une langue qui déménage ! »

Notons que le CTD’A présentera aussi au cours de sa saison la lecture-fleuve de l’œuvre de Michel Tremblay, La traversée du siècle, en plus de reprendre le spectacle Pisser debout sans lever sa jupe d’Olivier Arteau. Une carte blanche a aussi été remise à la metteure en scène Alix Dufresne qui rassemblera une dizaine d’artistes pour le projet Aujourd’hui ce soir.

Consultez le site du CTD’A