Télé, théâtre, cinéma… L’agenda de Normand D’Amour ne désemplit pas. Alors qu’il s’apprête à monter sur la scène du TNM dans la création Le rêveur dans son bain, La Presse s’est entretenue avec le prolifique interprète pour savoir si les rôles qu’il endosse sont un miroir de sa propre personnalité. La réponse : oui, assurément.

L’émerveillé

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Normand D’Amour partage avec son personnage du Rêveur un grand sens de l’émerveillement.

Dans la pièce Le rêveur dans son bain, signée par Hugo Bélanger, Normand D’Amour incarne un artiste qui attend depuis 20 ans – installé au creux de sa baignoire – le retour de la muse qui lui donnera l’inspiration pour son ultime création. Le Rêveur s’invente des histoires, ce qui n’enchante pas son fils, un jeune homme très (trop ?) ancré dans la réalité.

« Cette création extraordinaire parle des relations profondes qui unissent les humains, en particulier celles entre un père et son fils. Cette pièce brasse beaucoup de choses pour moi, puisqu’il est question d’un père qui a été absent pour son fils parce qu’il travaillait sur son art. Or, j’ai eu l’impression dans ma vie de privilégier mon art plutôt que mon rôle de père. Heureusement, mes enfants m’ont rassuré ! Ce spectacle représente une vraie catharsis pour moi. »

PHOTO ROSE NORMANDIN, FOURNIE PAR LE TNM

Cynthia Wu-Maheux et Normand D’Amour en répétition pour la pièce Le rêveur dans son bain

Le Rêveur dont il est question dans la pièce est un être sans cesse émerveillé, en particulier par la beauté des arts. Normand d’Amour se reconnaît, lui qui a le muscle de l’émerveillement bien développé.

Je capote devant un feu au chalet, j’écoute la rivière couler pendant des heures. Je suis extrêmement sensible. Je pleure à rien ; pleurer, ça fait tellement du bien !

Normand D’Amour

Ses yeux se mouillent d’ailleurs quand il évoque les histoires qu’il racontait à son fils et à sa fille lorsqu’ils étaient enfants, dans la pièce même où a lieu l’entrevue. « Il ne faut jamais perdre de vue l’enfant qui est en nous. Tant qu’on rêve, tout se peut. J’y crois vraiment. Et le spectacle d’Hugo Bélanger me le rappelle chaque jour. Il me redonne confiance en l’humanité. »

Le rêveur dans son bain est présentée au Théâtre du Nouveau Monde, du 2 au 27 mai.

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Le colérique

Normand D’Amour a souvent évoqué dans des entrevues passées les problèmes de colère qu’il a dû transcender. « À une époque, je criais beaucoup. J’étais en tabarnak constamment. Mes proches en ont souffert, en particulier mon fils. Si je n’avais pas réglé cet aspect de ma vie, je ne pourrais pas jouer des rôles d’hommes comme Pascal Saint-Cyr. »

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Comme Pascal Saint-Cyr, de la série STAT, Normand D’Amour a vécu des épisodes de colère.

Dans la quotidienne radio-canadienne STAT, l’acteur incarne cet intimidant oncologue, directeur des services professionnels de l’hôpital Saint-Vincent. « Je l’aime, ce personnage-là ! Sa colère prend racine dans ses relations avec son père. Il a été battu. Il a vu sa mère être battue. On me dit parfois que je joue toujours des personnages en crisse. Mais ce qui est intéressant, c’est de voir d’où vient leur colère. Il faut que les gens évoluent, et c’est ce qui se passe avec Pascal. Ce personnage, je le connais de l’intérieur, c’est facile pour moi de naviguer avec lui. »

Normand D’Amour sait qu’il est et restera un « gars intense ». Et il s’aime ainsi. Et il souhaite que d’autres hommes puissent trouver eux aussi une forme de paix. C’est pourquoi, malgré son horaire chargé, il a accepté d’être porte-parole des Maisons Oxygène, qui offrent du soutien « aux gars qui vivent seuls avec leurs enfants ». « Ils ont besoin d’un lieu sécuritaire. Il faut aider les hommes. Ils ne vont pas bien. Certains ont perdu leurs repères et ne peuvent plus fonctionner. Il y a une grande détresse psychologique. La prison, l’itinérance, le décrochage scolaire... ça touche surtout les gars. Je ne pouvais pas dire non à ce projet quand on me l’a proposé. »

STAT sera de retour sur les ondes de Radio-Canada à l’automne.

Le joueur

Pierre Brochant, le personnage interprété par Normand D’Amour dans la pièce Le dîner de cons, s’adonne à un jeu assez cruel avec ses amis : rassembler autour d’une même table des gens qu’ils considèrent comme des cons pour couronner chaque semaine le con de la soirée.

PHOTO ÉMILIE LAPOINTE, FOURNIE PAR LES PRODUCTIONS MONARQUE

Normand D’Amour fait partie de la distribution du Dîner de cons avec Laurent Paquin (à droite).

L’acteur québécois est lui aussi un joueur invétéré, mais les jeux qui le passionnent sont plus inoffensifs, puisqu’il s’agit de jeux de société avec des cartes et des dés. « Cette passion a commencé à 9 ans, quand j’ai relu attentivement les règles de Risk pour trouver ce qui ne marchait pas dans la game qu’on venait de jouer ! Dans la vie, je suis un délinquant. Je peux brûler des feux rouges sans problème. Mais pour les règles des jeux de société, je suis fucking by the book. C’est effrayant ! »

« Les jeux de société m’ont sauvé la vie, ajoute Normand D’Amour, sans ambages. Ils m’ont permis de me rapprocher de mes amis. Ils me permettent de devenir un propriétaire de zoo, un zombie, n’importe quoi. Et gagne ou perds, ce n’est pas grave. »

Peu importe si mon horaire est rempli à ras bord, j’ai besoin de mes quatre heures de jeux de société par semaine avec mes chums. C’est ma soupape. Ma salle de jeux, c’est mon antre.

Normand D’Amour

Il retrouve avec la troupe du Dîner de cons le même esprit rigolard qu’avec ses partenaires de jeux, où chacun se fout de la gueule de l’autre, et vice versa... « Cette pièce est un vrai bonheur à jouer. L’écriture de Francis Veber [l’auteur de la célèbre pièce française et du film à succès] est tellement brillante. En 39 ans de carrière, je n’ai jamais entendu le monde rire à ce point-là dans une salle de théâtre ! »

Plus de 130 représentations du Dîner de cons sont prévues jusqu’en 2025 partout au Québec.

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Le passeur

L’acteur a aussi travaillé en cinéma récemment, dans le film Le purgatoire des intimes, du jeune réalisateur Philippe Cormier. Il partage notamment l’écran avec des influenceurs, comme Lysandre Nadeau.

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Scène du film Le purgatoire des intimes

« J’ai accepté ce projet parce que je trouvais ça formidable de voir un jeune de 22 ans écrire, réaliser et produire son film. Je n’étais pas là, moi, à 22 ans. Je venais de sortir de l’école de théâtre et j’étais un peu cave ! Pour moi, c’est important de redonner à la jeunesse. J’ai eu une carrière de malade et je continue à faire ce que j’aime. Je ne veux pas garder toute cette énergie-là pour moi. Tout ce que je souhaite pour Philippe, c’est qu’il puisse avoir une longue carrière. Parce qu’il a misé gros sur ce projet. »

PHOTO JAY ARSENAULT, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Normand D’Amour a choisi de participer au film d’un jeune réalisateur, Philippe Cormier.

« Jouer le rôle d’Alain Landriault m’a permis d’explorer de nouvelles voies. C’est un personnage sur le bord du spectre de l’autisme, qui souffre de dépression et de dédoublement de personnalité. Il a une fracture en lui. Tout le long du tournage, sur le plateau, j’ai essayé de rester dans le personnage. J’ai fait du Daniel Day Lewis un peu ! »

Il a aussi donné un coup de main au réalisateur pour trouver une fin qui colle avec le parcours du personnage, en plus de le conseiller sur le montage. « Apprendre et aider sont deux éléments importants de ma vie. Je considère que mon existence doit être généreuse : recevoir des amis, aider les autres, partager ce que je sais. Mon nom, D’Amour, m’a peut-être prédestiné, mais ça marche pour moi. Je suis toujours heureux d’être avec les gens. »

Le film Le purgatoire des intimes est actuellement offert sur Crave.