(Sao Paulo) « Je crois que Saint-Exupéry aurait trouvé ça cool de voir son Petit Prince blanc aux cheveux blonds (joué par) un petit garçon noir à la coupe afro » dit Levi Asaf avant d’entrer sur scène.

Ce Brésilien de neuf ans aux yeux pétillants et au sourire ravageur est le premier acteur noir à incarner au théâtre dans son pays ce personnage mythique du grand classique de la littérature jeunesse, dans une comédie musicale à l’affiche depuis fin septembre à Sao Paulo.

Vêtu d’une culotte bouffante dorée et d’une blouse de matelot, il chante, danse et donne la réplique à l’aviateur, sans oublier bien entendu la phrase mondialement célèbre : « Dessine-moi un mouton ».

« En jouant le Petit Prince, je représente le peuple noir », insiste le jeune garçon né à Juazeiro, dans l’État de Bahia (nord-est), qui a beaucoup souffert du racisme à l’école.

« Je suis très fière de lui. Il ne s’est pas laissé abattre, alors que ses camarades le traitaient de “tête d’éponge”, voire pire », révèle sa mère Rosane Luiz Eloi.  

« En 2019, j’ai eu un cancer et le voir garder la tête haute malgré le racisme m’a donné de la force pour lutter contre la maladie […] J’espère qu’il va aussi donner la force à d’autres enfants noirs qui ont besoin d’opportunités »,  ajoute-t-elle.

Au Brésil, qui célèbre dimanche la journée de la Conscience Noire, le racisme est très enraciné, dans le dernier pays d’Amérique à avoir aboli l’esclavage, en 1888.  

Plus de la moitié de la population de cet immense pays de 215 millions d’habitants est noire ou métisse, mais les Blancs restent largement plus représentés dans les postes à haute responsabilité des entreprises, en politique ou dans les médias.

« Cadeau d’anniversaire »

Les jeunes spectateurs de ce Petit Prince qui fait la part belle à la diversité sont tout heureux de voir un peu plus de représentativité sur les planches du théâtre.

« Quand on regarde des films plus anciens, c’est rare de voir des acteurs noirs. Et même dans des films récents. Voir un garçon noir de neuf ans interpréter un personnage aussi emblématique, c’est vraiment génial »,  dit Alex Imoto Mendes, 11 ans.

« Je pense que beaucoup d’enfants se sont identifiés, j’ai vu plein de petits yeux qui brillaient. On n’avait pas ça quand j’étais petite », renchérit Naira Ribeiro, 33 ans, directrice des achats dans une entreprise à Sao Paulo.

Pour Daniela Cury, metteuse en scène associée de cette pièce dirigée par Fernanda Chamma, « la diversité du casting » est un des aspects les plus importants d’un spectacle « du niveau de Broadway ».

Le décor apporte une touche de poésie, avec des étoiles qui prennent vie et deviennent des danseurs, des planètes orangées et une lumière sobre, plongeant les spectateurs dans un univers de rêverie qui fait penser à un film de Georges Méliès.

C’est le premier rôle important au théâtre pour Levi Asaf, qui a joué dans des fictions pour Netflix ou Globoplay, la plateforme numérique de Globo, le plus grand conglomérat médiatique du pays, pose pour des photos et tourne des publicités en tant que mannequin depuis 2018.

« J’ai passé le casting du Petit Prince le jour de mon anniversaire, c’était un beau cadeau ! », raconte-t-il, un sourire espiègle au coin des lèvres.