Le TNM ouvre sa saison en lion avec cette comédie shakespearienne réjouissante livrée sous forme de conte musical, qui aborde (en texte, mais aussi en chansons !) les thèmes de l’amour absolu, du travestissement et de l’authenticité.

À force de voir se jouer de grands drames sur nos scènes, on finit par oublier ces petits joyaux que sont les comédies (surtout quand elles font mouche). La nuit des rois, mise en scène avec humour et inventivité par Frédéric Bélanger, fait nettement partie de cette catégorie.

La comédie de Shakespeare, adaptée par Rébecca Déraspe et Frédéric Bélanger, est menée tambour battant par un Benoit McGinnis en grande forme, qui incarne le personnage de Feste, bouffon et sage de la comtesse Olivia (Marie-Pier Labrecque), en deuil de son père et de son frère. À la fois narrateur, instigateur, entremetteur, orchestrateur, il est témoin de toutes les intrigues.

Ce pari s’avère assez payant dans la forme choisie par les créateurs de La nuit des rois. Une sorte de conte musical, où le texte est entrecoupé de chansons – dont plusieurs interprétées par Benoit McGinnis lui-même.

Appuyé par un petit band maison dans lequel on retrouve le personnage du duc Orsino (Jean-Philippe Perras), amoureux de la comtesse Olivia, qui rejette ses avances.

La pièce s’ouvre avec le naufrage (en des lieux distincts) des jumeaux Viola et Sébastien en terre d’Illyrie. Viola (Clara Prévost, prometteuse) se travestira en homme, portera le nom de Césario et deviendra le page du duc Orsino. Il aura pour mission d’intercéder en sa faveur, en transmettant son message d’amour à la belle comtesse, insensible, qui tombera plutôt amoureuse de… Césario !

Briller en périphérie

En fait, ce sont les personnages périphériques de La nuit des rois qui brillent de tous leurs feux, éclipsant par moments les personnages principaux.

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Yves Jacques nous offre quelques-uns des moments les plus comiques de La nuit des rois.

Qu’on pense à Maria, la suivante d’Olivia (Kathleen Fortin, très juste, qui chante toujours aussi divinement) ; à Sir Toby (magistral Étienne Pilon, habitué des rôles dramatiques, qui nous révèle ici son grand talent comique) ; à son acolyte Sir Andrew (picaresque François-Simon Poirier) ou encore à l’intendant d’Olivia, Malvolio, interprété par Yves Jacques, qui nous offre quelques-uns des meilleurs moments comiques de cette pièce (notamment quand il cherche à sourire sans y parvenir).

Y a-t-il quelques abus dans les projections des personnages – en particulier celles de Feste lui-même dont on suit les moindres gestes et qui nous prend parfois un peu trop par la main… ?

Peut-être. Mais cela ne gêne en rien la mise en scène inspirée de Frédéric Bélanger (Les aventures de Lagardère, Le songe d’une nuit d’été, Les trois mousquetaires), qui rythme parfaitement ce chassé-croisé amoureux dans un décor qu’on se construit presque dans la tête.

Tout cela avec pour toile de fond les thèmes du jeu et du travestissement, jolie mise en abyme qui nous renvoie à nos intentions profondes. Les personnages jouent-ils à aimer ou aiment-ils vraiment ? demande Rébecca Déraspe dans sa présentation. Quand le personnage de Feste demande à Malvolio laquelle des prisons lui fait le plus peur – en référence à ses pulsions refoulées –, on saisit là toute la force de cette fine adaptation de Shakespeare, qu’on nous repasse… en chantant. Pour notre plus grand plaisir.

La nuit des rois

La nuit des rois

De Shakespeare. Traduction et adaptation : Rébecca Déraspe. Adaptation et mise en scène : Frédéric Bélanger. Avec Benoit McGinnis, Clara Prévost, Marie-Pier Labrecque, Yves Jacques, etc.

Théâtre du Nouveau Monde, Jusqu’au 15 octobre.

8/10