Coup de tonnerre sur les planches. Pour lancer la 50saison de son histoire, le Théâtre Duceppe présente Mama, une création originale bouleversante sur la force de l’amour familial.

Porté par une distribution d’interprètes arabes venues des quatre coins du Maghreb, du Moyen-Orient et du Québec, Mama est d’ores et déjà à classer dans les incontournables de la rentrée, si ce n’est de la saison en entier.

Avec une grande dose d’humour et une sensibilité à fleur de peau, Nathalie Doummar raconte l’histoire d’un clan féminin qui se rassemble pour veiller sur le patriarche agonisant. Autour du mourant et de la grand-mère Nana (formidable Mireille Naggar), trois générations de femmes patientent, chacune avec ses espoirs, ses déceptions. Des plus jeunes aux plus vieilles, toutes cherchent leur chemin, tiraillées entre leur ascendance égyptienne chrétienne et la patrie d’adoption qu’est le Québec.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR DUCEPPE

Mireille Naggar (en haut) est bouleversante dans le rôle de Nana.

Il y a Joséphine, qui émaille son discours de nombreux mots en anglais (très efficace Mireille Tawfik), Mado, qui traîne une pharmacie complète dans son sac (redoutablement comique Natalie Tannous), la jeune Sarah (Ambre Jabrane, très juste), qui s’interroge sur ce qu’aimer veut dire. Et il y a Diane, celle dont le divorce et la courte relation avec une femme figurent bien haut au panthéon des disgrâces familiales. Ce rôle est joué en alternance par Nathalie Doummar et Sharon Ibgui. Lors de la première, jeudi, toute la distribution a joué une partition parfaite, sans fausse note.

Ces femmes résilientes au verbe vif ne sont pas sans rappeler d’autres femmes qui ont marqué à jamais le théâtre québécois : les belles-sœurs de Michel Tremblay. Il y a dans Mama la même façon de partir de l’intimité des personnages pour raconter l’universel. Et on retrouve ici ce même amour inconditionnel du dramaturge pour ses personnages, aussi imparfaits soient-ils.

Seulement, à la différence des belles-sœurs qui dépouillent Germaine Lauzon de ses timbres, les femmes de Nathalie Doummar restent unies. La désapprobation des unes et les ressentiments des autres font certes craquer le tissu familial, mais ce dernier ne cède pas tant l’amour est grand dans ce clan tissé serré.

Pour offrir une perspective différente sur ce huis clos – et en particulier sur le mourant qui est au centre de toutes les attentions –, la metteuse en scène Marie-Ève Milot et la scénographe Geneviève Lizotte ont déployé un gigantesque miroir au-dessus de la scène. Le résultat est saisissant. Les images qui y sont projetées pour symboliser le passage du temps sont empreintes d’une douce poésie et permettent de mieux cerner les contours de la personnalité de celui qui approche de la mort.

Parmi toutes les qualités de ce spectacle coup de cœur, on retiendra aussi la justesse des dialogues. Nathalie Doummar avait déjà fait l’étalage de son immense talent dramaturgique avec L’amour est un dumpling et Le loup. Pour Mama, elle semble avoir taillé les mots à même sa chair, offrant au public de grandes bouffées d’émotions, du rire spontané aux larmes, impossibles à retenir.

Décidément, on a affaire ici à du grand, du très grand théâtre.

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Mama

Mama

De Nathalie Doummar, mise en scène de Marie-Ève Milot

Avec Nathalie Doummar (en alternance avec Sharon Ibgui), Mireille Naggar, Natalie Tannous et neuf autres interprètes., Chez Duceppe, jusqu’au 8 octobre

9/10