Richard Fréchette va reprendre vendredi au TNM les multiples rôles qu’il incarne dans la pièce-fleuve Les sept branches de la rivière Ōta. Ce sera un retour aux sources pour le comédien puisqu’il était de la première mouture présentée en 1993. Conversation avec un observateur privilégié de cette œuvre mythique signée Robert Lepage.

De quoi est-il question dans cette pièce monumentale de sept heures ?

La pièce raconte l’histoire d’Hanako, une survivante de la bombe nucléaire d’Hiroshima que l’explosion a rendu aveugle alors qu’elle avait 4 ans. On voit le personnage grandir pendant toute sa vie et lors du dernier acte du spectacle, elle célèbre ses 60 ans. C’est Hanako qui relie entre elles les sept histoires qui composent la pièce, même si chaque histoire est indépendante et se complète en elle-même. D’ailleurs, l’une de ces histoires – la troisième – a servi d’inspiration pour le film . C’est aussi l’histoire de la rencontre de l’Amérique avec le Japon. On y retrouve tous les thèmes chers à Robert, dont l’histoire du Québec, qui apparaît en filigrane au long du spectacle.

Parlez-nous de la genèse de cette œuvre.

En 1992, Robert a été invité par un producteur privé de Tokyo pour s’imprégner de la culture nippone et il m’a demandé de l’accompagner. Pendant 10 jours, on a vu du théâtre nô, du bunraku. Puis, Robert a demandé de visiter Hiroshima, à cause de ce qui s’est passé là-bas en 1945. On a été reçus par un survivant de la bombe. Il nous a raconté son histoire : il a été projeté dans un fossé par l’explosion et pendant plusieurs jours, il croyait qu’il était mort, à cause de la fumée et des corps en lambeaux qui l’entouraient. Il nous a aussi parlé de cette très belle jeune femme qui a été défigurée par l’explosion, si bien que sa famille a retiré tous les miroirs de la maison. Dès qu’on est remonté dans le train pour revenir à Tokyo, Robert a ouvert son ordinateur portable et a commencé à écrire. L’idée avait germé dans sa tête.

Comment a évolué la structure au fil des ans ?

En janvier 1993, on a présenté le spectacle pour un soir ou deux. Il avait été élaboré à partir d’improvisations collectives. Puis, Robert a développé le texte autour de la parenté d’Hanako : la pièce est passée à trois heures, puis deux ans plus tard, à cinq heures. En 1997, au Festival TransAmériques de Montréal, on a présenté la version intégrale, soit celle de sept heures. Par la suite, la pièce a été présentée partout : au Japon pour le 50e anniversaire du bombardement, en Europe, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis…

PHOTO ELIAS DJEMIL, FOURNIE PAR EX MACHINA

Richard Fréchette dans Les sept branches de la rivière Ōta

Selon vous, la pièce résonne-t-elle toujours aussi fort après 25 ans ?

À mon avis, elle résonne plus fort encore. Il y a 25 ans, on vivait dans une paix relative. On n’avait pas connu le 11-Septembre, le Québec avait évolué, Lucien Bouchard était au pouvoir… Aujourd’hui, les Russes font la guerre en Ukraine et menacent d’utiliser l’arme nucléaire… C’est plus que jamais d’actualité.

Quelle place occupe cette pièce dans votre carrière ?

J’avais déjà eu la chance de jouer à travers le monde avec La trilogie des dragons et Les plaques tectoniques. Je travaillais sur d’autres projets quand Robert m’a demandé de participer à la création des Sept branches. Pendant cinq ans, on a fait le tour du monde ! Je suis extrêmement privilégié. Surtout que je me suis toujours considéré comme un pantouflard et que je n’ai pas de don pour les langues ! J’ai longtemps pensé que ma carrière se passerait seulement au Québec… Dans la pièce, je joue un premier rôle, celui de l’ambassadeur Walter Lapointe, mais je fais aussi de la figuration. Je joue tout ça avec un égal bonheur. Pour moi, Les sept branches de la rivière Ōta reste un voyage fantastique. Ce qui est magnifique, c’est que je vais jouer la pièce le jour de mon 67e anniversaire, le 3 septembre. Et Robert m’a déjà annoncé que je participerai à son spectacle sur Riopelle. Quel cadeau magnifique !

Les sept branches de la rivière Ōta sera présentée au TNM du 19 août au 4 septembre et au Diamant de Québec du 17 au 25 septembre.

Consultez le site du spectacle