La tâche n’était pas simple : adapter pour la scène l’un des grands succès populaires du cinéma québécois, La grande séduction. Eh bien, les artisans de Sainte-Marie-la-Mauderne ont relevé le défi. Ils offrent un spectacle très divertissant grâce notamment à une mise en scène ingénieuse.

Rappelons que le film écrit il y a 20 ans par Ken Scott se déroule dans une île au milieu du Saint-Laurent. Les habitants du lieu, baptisé ici Sainte-Marie-la-Mauderne, peinent à gagner leur vie et comptent sur l’implantation d’une usine de recyclage de plastique pour sauver leur communauté d’une désertion massive. Or, plusieurs obstacles les séparent de cet objectif, notamment l’absence d’un médecin établi de façon permanente dans l’île.

Menée par Germain Lesage, maire autoproclamé du village, la population va se serrer les coudes pour répondre aux demandes de la société de recyclage et convaincre un médecin de s’installer à résidence à Sainte-Marie, alors que son passage (forcé) dans l’île ne doit durer que 30 jours.

Michel Rivard incarne avec nuances un Germain ratoureux à souhait, et ce, malgré certaines répliques trop vite articulées qui devenaient difficiles à saisir samedi dernier. Sans doute l’effet d’un peu de nervosité, alors que l’équipe en était seulement à sa deuxième représentation.

  • Normand Brathwaite (à gauche) et Michel Rivard sont convaincants dans les rôles d’Yvon le bourru et de Germain le ratoureux.

    PHOTO JUSTINE CHAMPAGNE, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE GILLES-VIGNEAULT

    Normand Brathwaite (à gauche) et Michel Rivard sont convaincants dans les rôles d’Yvon le bourru et de Germain le ratoureux.

  • Michel Rivard (à gauche) et Fayolle Jean Jr partagent une belle complicité sur scène.

    PHOTO JUSTINE CHAMPAGNE, FOURNIE PAR LE THÉÂTRE GILLES-VIGNEAULT

    Michel Rivard (à gauche) et Fayolle Jean Jr partagent une belle complicité sur scène.

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Normand Brathwaite, qu’on n’avait pas vu au théâtre depuis l’époque lointaine de Pied de poule, s’en sort plutôt bien. Son personnage d’Yvon est parfaitement bourru, un peu cabotin peut-être, mais sans être excessif. Et ses répliques déclenchent chaque fois des rires dans une salle qui, il faut le dire, lui est conquise d’avance.

Quant à Fayolle Jean Jr, il est impeccable dans le rôle du DChristopher Lewis, un chirurgien plastique qui découvre chez les insulaires des maladies qu’il croyait éradiquées de la surface du globe (dont le pied d’athlète grimpant…).

Un mot aussi sur Chantal Baril, qui incarne pour notre plus grand bonheur une des femmes du village chargées d’écouter les conversations du DLewis. Son jeu très physique nous rappelle quelle formidable actrice comique elle est. De fait, toute la distribution est solide et a su se mettre en bouche des scènes entières qui sont quasiment passées dans la culture populaire.

Mise en scène réussie

L’une des grandes réussites de ce spectacle demeure toutefois la belle mise en scène de Frédéric Blanchette, qui réussit, avec deux ou trois bouts de ficelle, à nous faire passer d’un lieu à un autre, dans une île balayée par le vent où les maisons s’accrochent à flanc de rochers. Les oiseaux qui volent au-dessus des maisons suspendues par des perches, le rideau qui incarne à lui seul la maison mal décorée d’Henri le banquier (Alexandre Fortin), le restaurant du village, l’église, le village illuminé à la nuit tombée… C’est très joliment fait. Et les changements de décor, effectués par les comédiens, semblent ajouter au sentiment de communauté qui se déploie sur scène.

Mieux, Frédéric Blanchette a eu la lumineuse idée de terminer la première partie du spectacle par une pièce musicale. Michel Rivard a pris sa guitare, Gary Boudreault s’est mis à l’accordéon, Normand Brathwaite a trouvé une caisse pour faire les percussions… Un moment magique, plein de chaleur.

Décidément, Emmanuel Reichenbach, d’Encore Spectacle, a eu du flair en adaptant le film de Ken Scott pour en faire une pièce de théâtre estival. Il a su transposer sur les planches l’humour fin du film, ses personnages attachants, ses scènes iconiques (même la partie de cricket est reproduite !), tout en actualisant un peu le propos avec des répliques sur les toilettes non genrées, les réseaux sociaux et la nourriture végane.

Bref, c’est du théâtre d’été de qualité qui est proposé au cours des deux prochains mois au Théâtre Gilles-Vigneault de Saint-Jérôme.

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Sainte-Marie-la-Mauderne

Sainte-Marie-la-Mauderne

D’après un scénario de Ken Scott. Adaptation Emmanuel Reichenbach. Mise en scène Frédéric Blanchette. Avec Michel Rivard, Fayolle Jean Jr et Normand Brathwaite

Théâtre Gilles-Vigneault, Jusqu’au 13 août

8/10