Après avoir conquis le Québec avec sa pièce J’aime Hydro (qui reviendra à la Place des Arts en août), Christine Beaulieu récidive cet été avec un second spectacle documentaire présenté mi-juillet aux Jardins de Métis et consacré aux saumons de la Mitisipu (la rivière Mitis en mi’kmaq). Conversation avec une actrice qui s’épanouit de plus en plus dans son rôle d’autrice.

Parlez-nous de ce spectacle Les saumons de la Mitisipu. De quoi s’agit-il ?

Les Jardins de Métis et l’architecte Pierre Thibault m’ont donné carte blanche, l’été dernier, pour présenter une performance. J’ai décidé d’écrire un texte sur les saumons de la rivière Mitis. J’y raconte tout le trajet que doivent faire les saumons dans la rivière. Saviez-vous qu’ils doivent être transportés par camion pour franchir certains barrages ? J’adopte le point de vue du saumon, de l’œuf à l’âge adulte. La performance dure 35 minutes environ. C’est dans le même ton documentaire et un peu scientifique que J’aime Hydro. Pour cet été, le texte a été bonifié. J’ai ajouté le personnage d’Elsie Reford (fondatrice des Jardins de Métis), dont on célèbre cette année le 150anniversaire. Elle sera interprétée par Alice Pascual pour les trois représentations, soit les 15, 16 et 17 juillet. Le texte sera aussi publié aux éditions de La Bagnole et sera illustré par Caroline Lavergne. Quant à savoir si ce texte sera repris un jour à Montréal, j’y pense… 

L’écriture semble prendre de plus en plus de place dans votre carrière.

J’aime Hydro a changé ma vie. Vraiment. J’ai notamment réalisé à quel point j’aime écrire. Prendre la parole comme autrice, c’est plus engageant que d’être interprète et de donner vie à la parole de quelqu’un d’autre. Il n’y a rien de plus valorisant ou puissant que d’écrire pour participer à une réflexion qui n’est pas seulement théâtrale, mais sociale. Je rêvais de ça au fond de mon cœur. Annabel [Soutar, directrice de la compagnie théâtrale Porte Parole], a été magique de voir que j’avais ça en moi. Je la remercie chaque jour de m’avoir ouvert cette porte. Lorsque j’écris, je bouille, je vibre. Pour le texte sur les saumons de la Mitisipu, j’ai réussi à foncer sans mentor. Je n’ai pas fait relire mon texte, j’ai imaginé moi-même la mise en scène. J’ai fait une petite Marie Brassard de moi-même ; c’est une femme qui est une grande inspiration pour moi. Je me suis compromise, et ça s’est bien passé.

PHOTO JEAN-FRANÇOIS BÉRUBÉ FOURNIE PAR LES JARDINS DE MÉTIS

Les Jardins de Métis ont donné carte blanche à Christine Beaulieu, l’été dernier, pour présenter une performance.

Pourrait-on assister un jour à une autre pièce de théâtre signée de votre main ?

Peut-être. Je découvre encore mon style d’écriture. Je me rends compte que je suis toujours touchée par les mêmes affaires : la nature, les réalités autochtones, l’environnement. Je n’ai pas le talent de Fanny Britt pour écrire des histoires, mais j’aime réfléchir sur l’impact de l’humain sur la nature.

Vous reprendrez aussi J’aime Hydro à compter du mois d’août à la Place des Arts. La pièce a toutefois été bonifiée. Qu’est-ce qui change dans cette nouvelle mouture ?

Avec l’arrivée de Sophie Brochu à la tête d’Hydro-Québec, il était inconcevable pour moi de ne pas écrire sur cette nouvelle étape. J’ai donc ajouté de la matière au cinquième chapitre du spectacle. Ce sera la version définitive de J’aime Hydro. Depuis le début de l’aventure, c’était beaucoup l’histoire de Christine qui rencontre des hommes d’une autre génération que la sienne. Avec Sophie Brochu, on est dans une autre dynamique. C’est une femme que j’admire beaucoup. En parlant avec elle, j’ai réalisé que les questions qu’on se posait à la création du spectacle en 2014 sont encore très pertinentes. Arrivera-t-on à faire le deuil de nos grands chantiers hydroélectriques au Québec ? Pourquoi économiser des kilowattheures plutôt que d’en produire de nouveaux ? J’avais aussi envie de lui parler de son rapport avec le gouvernement de la CAQ. Lorsque j’ai parlé au premier ministre Legault, je n’ai pas eu l’impression qu’il avait une grande volonté de faire le deuil de la construction des barrages… 

J’aime Hydro a indéniablement marqué votre carrière, mais quels impacts la pièce a-t-elle eus sur votre vie ?

Depuis J’aime Hydro, je suis moins tranchée dans mes opinions. Je suis plus nuancée, moins drastique. Je ne peux plus voir les choses en noir ou blanc. J’ai compris que chaque milieu a ses enjeux, ses impératifs. Et qu’une situation n’est jamais aussi simple que l’on croit lorsqu’on la regarde de l’intérieur. Ma conscience a aussi quintuplé, ce qui est bien, mais ne m’allège pas forcément. Je fais des rénovations actuellement, et c’est compliqué, car je me pose mille questions à chaque étape !

Que pensez-vous de la multiplication des pièces de théâtre documentaire ?

C’est extraordinaire. Lorsqu’Annabel Soutar m’a rencontrée en 2014 pour me proposer de travailler sur J’aime Hydro, elle avait le désir que le théâtre devienne une arène pour parler des enjeux de société. Quand je vois le succès d’une pièce comme Rose et la machine, ça me touche, car je réalise que J’aime Hydro a participé à cet essor-là, qu’elle a inspiré d’autres créateurs. En plus, cette pièce a pu attirer des gens qui ne vont pas au théâtre d’habitude : des ingénieurs, des employés d’Hydro… Il y a des hommes qui m’ont dit : j’ai vu deux pièces dans ma vie : Broue et J’aime Hydro ! C’est une belle réussite !

Les saumons de la Mitisipu sera présenté les 15, 16 et 17 juillet aux Jardins de Métis. Performance gratuite avec accès aux jardins (réservations fin avril). La pièce J’aime Hydro sera reprise dans sa version définitive du 5 au 7 août, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. On peut voir Christine Beaulieu dans la série L’œil du cyclone sur ICI TOU.TV, ainsi que dans les films Nouveau-Québec et Norbourg (en avril).

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