« Violette, c’est une femme qui vit seule dans sa chambre avec un ami imaginaire qui est une corneille.
— C’est aussi une fille avec un lourd secret et qui le dévoile pour se libérer des tensions ; les abus sexuels, quand on en parle, ça nous libère. C’est aussi une femme avec une déficience intellectuelle. Comme nous. »

Les comédiennes Stéphanie Colle et Anne Tremblay connaissent bien le personnage de Violette : elles l’incarnent à tour de rôle dans la nouvelle création de la compagnie Joe Jack et John. Simplement intitulé Violette, ce spectacle présenté à l’Espace Libre s’avère hors norme à bien des égards.

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Stéphanie Colle, comédienne

D’abord, parce qu’il est porté par deux interprètes en situation de handicap intellectuel, comme c’est souvent le cas dans les productions de la compagnie. Ensuite, parce que chaque représentation se déroule devant un seul spectateur à la fois. Mais surtout, parce que la réalité virtuelle est mise à profit pour transporter ce spectateur au cœur d’un sujet délicat : les violences sexuelles dont sont victimes les personnes en situation de handicap intellectuel.

« Lorsqu’il y a eu la vague des agressions non dénoncées, il y a quelques années, j’ai eu le désir de parler de cette thématique », raconte Catherine Bourgeois, cofondatrice de Joe Jack et John, qui agit aussi comme metteuse en scène et scénographe de Violette. « Depuis la création de la compagnie, en 2003, on côtoie beaucoup de gens vivant avec une déficience intellectuelle. On sait que les statistiques sont dramatiques : 50 % des hommes ont été abusés ou agressés sexuellement au cours de leur vie ; chez les femmes, le chiffre grimpe entre 70 % et 90 %. »

Une question s’imposait toutefois : comment aborder un sujet aussi intime sur scène ? C’est ici que l’idée d’utiliser la réalité virtuelle a germé, dit Catherine Bourgeois. « C’est un bon moyen pour que la réalité rejoigne la fiction. »

Elle explique le déroulement de la représentation : « Après avoir été accueilli dans la chambre de Violette par Violette elle-même, le spectateur enfile un casque de réalité virtuelle – préalablement désinfecté – pour se retrouver plongé dans un film à 360 degrés. On est d’abord dans la chambre, puis le décor change. On se retrouve en forêt où un personnage imaginaire, la femme-corneille, vient raconter l’histoire de Violette. »

Ce conte nous permet de déployer une histoire assez tragique avec un réalisme magique, sans que ça devienne trop violent. On propose une réalité plus poétique.

Catherine Bourgeois, metteuse en scène

Le spectacle, d’une durée de 25 minutes, comporte donc une interaction avec une Violette en chair et en os, et un segment de réalité virtuelle de 17 minutes. Le texte est signé Amélie Dumoulin. « C’est une rencontre chouette et accessible qui permet de démystifier la réalité de ceux qui vivent avec un handicap intellectuel », dit Catherine Bourgeois.

Passion commune

Dix ans séparent les deux comédiennes qui interprètent Violette : Stéphanie Colle a 36 ans, et Anne Tremblay, 26 ans. Mais les deux femmes sont unies par une passion commune du théâtre, qu’elles ont découvert avec le centre des arts de la scène Les Muses.

« J’aime beaucoup apprendre des textes, mais ce qui est difficile, c’est de se mettre dans le corps du personnage », estime Anne Tremblay, qui a déjà incarné le personnage en 2018, lors de représentations offertes dans le cadre du festival d’arts vivants OFFTA. « Par exemple, Violette est vraiment extravertie, alors que moi, je suis plus introvertie, même si j’aime être avec le monde. »

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Anne Tremblay, l’une des deux comédiennes qui interprètent Violette

Pour Stéphanie Colle, le plus difficile est de jouer soir après soir les sentiments de son personnage. Et le trac de jouer devant un public ? Elle ne connaît pas. « Je ne suis pas nerveuse. Je tourne aussi dans une série qui s’appelle Nuit blanche et qui va jouer à Radio-Canada. J’ai un premier rôle : on tourne même après minuit ! »

Violette est présenté à l’Espace Libre du 12 au 30 mai.

Consultez le site de l’Espace Libre