Pour Hugo Bélanger et sa compagnie, le Théâtre Tout à trac, c’est un tremplin vers l’imaginaire. En attendant la création de sa nouvelle pièce, il nous propose un laboratoire sur sa machine à faire rêver.

À la fin du laboratoire Construire le rêve, proposé par Hugo Bélanger cette semaine au Théâtre du Nouveau Monde, le comédien Normand D’Amour se tourne vers le public en chuchotant sa réplique. Un moment précieux de silence envahit la salle pendant une minute éternelle… Alors que l’acteur nous confie que, depuis un an, ce qui lui a le plus manqué, c’est de ne pas pouvoir vivre ce type d’émotion avec son métier.

« C’est ça, le théâtre : cette qualité de silence (ou de rire) commun », explique l’auteur et metteur en scène Hugo Bélanger à La Presse. « Le théâtre, c’est une rencontre entre un spectacle et un public. Parfois, le public est meilleur que le show ! On a beau dire de se “réinventer”, personne ne pourra jamais reproduire ce genre d’émotion qui nous fait sentir l’âme d’une foule, que ce soit au TNM ou au Centre Bell, avec des shows numériques. »

À cause de la pandémie, le directeur de la compagnie Tout à trac a vu la création du Rêveur dans son bain reportée en 2023 par la direction du TNM. En attendant, la compagnie nous offre un laboratoire de création avec les interprètes et concepteurs, présenté en salle jusqu’à dimanche, puis diffusé en ligne du 21 mai au 6 juin.

« On avait envie de parler des thèmes et des enjeux qu’on explore dans ce spectacle, tout en donnant envie aux gens de revenir voir le spectacle final dans deux ans, sans qu’ils aient l’impression de l’avoir déjà vu, explique Hugo Bélanger. Ce qui est intéressant, c’est de montrer au public notre processus de création, nos essais, nos recherches et nos discussions, parce que notre procédé de travail est très collectif. Tout à trac ne fait pas de la création collective, mais si un acteur ou un accessoiriste arrive avec une super bonne idée, je l’inclus tout de suite dans le show. À l’inverse, si on décide de couper une chose pour améliorer le spectacle, on l’enlève sans orgueil. Tout le monde — concepteurs, interprètes, metteur en scène – a la mission de faire le meilleur show possible. »

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Sébastien René et Normand D’Amour

Trois génies précurseurs

Inspiré par le génie de trois précurseurs du début du XXe siècle (le cinéaste Georges Méliès, l’illusionniste Jean-Eugène Robert‑Houdin et le dessinateur de bandes dessinées Winsor McCay), Hugo Bélanger a imaginé un personnage d’ermite, vivant dans un cabinet de curiosités, qui veut rester dans son bain. Ce rêveur qui refuse de sortir de sa baignoire est défendu par Normand D’Amour.

Comme dans ses précédents spectacles avec Tout à trac, Bélanger met les autres disciplines artistiques (cinéma, illustration, magie, photographie) au service du théâtre et de l’imagination. Le but est de créer une œuvre fantaisiste, qui se moque du réalisme, pour mieux nous faire rêver. Un univers éclaté et ludique qui plaira à un large public.

« Je prends les codes du cinéma pour en faire du théâtre », explique Bélanger, qui a également créé le premier spectacle permanent du Cirque du Soleil en Chine en 2019 (Un monde fantastique). « Je ne veux pas que les gens regardent une scène et se disent : “Ça serait meilleur au cinéma ou ailleurs.”

« Pour moi, l’une des plus belles scènes du théâtre québécois, c’est quand Robert Lepage se met à voler devant nous à la fin de La face cachée de la lune. Et l’effet est très simple : il roule juste sur la scène devant un miroir. Mais ça nous fascine plus que de voir Superman voler au cinéma. C’est la force, la puissance de la convention théâtrale. »

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR LE TNM

Cynthia Wu‑Maheux

Une affaire de troupe

Avec ce spectacle-laboratoire, le public est donc le témoin de la recherche théâtrale et du trompe-l’œil des arts vivants, en compagnie de Bélanger et ses complices sur scène : Carl Béchard, Normand D’Amour, Renaud Lacelle‑Bourdon, Sébastien René, Carl Poliquin, Cynthia Wu‑Maheux, Marie-Ève Trudel et Éloi Cousineau.

Quelques-uns sont des fidèles des productions Tout à trac qui, depuis plus de 20 ans, explorent la magie du conte, du jeu masqué et de la marionnette, avec des spectacles comme Le tour du monde en 80 jours, Les aventures du baron Münchhausen… « Je pense que tout passe par une bonne histoire, l’être humain a besoin de ça. C’est pour ça que le théâtre a toujours survécu et va encore survivre aux crises. L’humain aura toujours besoin de se regrouper autour d’un feu, quelque part, pour se faire raconter une histoire », conclut Bélanger.

Construire le rêve, laboratoire de création. Au TNM, dans une salle réduite et avec le protocole sanitaire, jusqu’au 9 mai ; puis en webdiffusion du 21 mai au 6 juin.

> Pour informations, visitez le site du TNM