Le Festival international de la littérature est de retour avec de nombreux spectacles en salle. Pour ouvrir l’évènement ce vendredi au Théâtre Outremont, Je t’écris au milieu d’un bel orage, lecture personnelle du metteur en scène Dany Boudreault de la correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès, avec Steve Gagnon et Macha Limonchik.

Pendant 15 ans, de 1944 à 1959, l’auteur Albert Camus et la tragédienne Maria Casarès ont entretenu une liaison passionnelle, et une correspondance qui l’était tout autant. Lorsque ces lettres ont été réunies et publiées par les éditions Gallimard en 2017, Dany Boudreault y a plongé avec délectation.

« J’ai été foudroyé par cette lecture. »

Lui-même un grand amoureux, Dany Boudreault est fasciné et interpellé par cette idée de « l’amour comme récit ».

PHOTO JULIE ARTACHO, FOURNIE PAR LE FIL

Dany Boudreault

On a l’impression que dans chacune des lettres, ils cherchent à nommer ce qu’ils vivent. Et cette incapacité à bien nommer les sentiments, je trouve ça jouissif. Parce qu’ils n’ont pas assez de mots.

Dany Boudreault

L’amour, le désir et la tension sexuelle qui transparaissent partout, l’attente et le rapport au temps, le dialogue entre le théâtre et la littérature, mais aussi le XXsiècle dans tous ses bouleversements, l’après-guerre, l’existentialisme : il y avait là-dedans un matériau riche pour inspirer l’auteur et metteur en scène, qui s’est lancé dans un imposant travail de sélection, de collage et de rebrassage — le livre fait tout de même 1200 pages.

« C’était l’enfer. Le premier montage faisait 50-60 pages 8,5 par 11, en Times New Roman 12 points… Après on a réduit, réduit. On ne voulait pas lasser les gens, plutôt donner un concentré. »

Surtout, il ne voulait pas en livrer une lecture linéaire ou « aplatie ». « On explose le système épistolaire », explique Dany Boudreault, qui a travaillé la mise en scène avec son complice Maxime Carbonneau.

Ainsi, il a joué avec la chronologie et inclus des extraits d’autres textes, dont les Discours de Suède prononcés par Camus après qu’il a reçu le Nobel. Et surtout, les interprètes Macha Limonchik et Steve Gagnon font des va-et-vient entre l’incarnation pure des personnages et leurs propres questionnements, à partir de leur grille d’analyse contemporaine.

« Il y a aussi la musique de Jesse Mac Cormack qui apporte de la texture. Sinon, on serait allés plus jazz années 1950, mais ce n’était pas l’objectif. »

Modernes

Après un an et demi de pandémie, Dany Boudreault avait envie de parler « du contact à travers la distance », ce qu’on retrouve « big time » avec Camus et Casarès. Et dans notre époque où « on exalte le réalisme en littérature », il s’est délecté de leur intensité et de leur lyrisme.

Des fois, il faut que le vent pogne dans le feu. On disait ça au Lac. Le lyrisme, il faut juste savoir le pondérer pour les spectateurs, sinon pendant 1 h 20, c’est trop.

Dany Boudreault

Malgré le côté agréablement suranné de leur langage amoureux, Dany Boudreault a surtout constaté que Camus et Casarès formaient un couple moderne, ouvert, extrêmement « avant-gardiste ». Que peuvent-ils nous dire aujourd’hui ?

« Je vais utiliser les mots de Casarès, qui parle de fidélité au destin. Je crois qu’il y a ça. Et que l’amour est pluriel et polymorphe, et qu’il a un potentiel de transformation infini. Il a aussi cette capacité de nous transformer, de nous rendre mutants. Des mutants d’amour. »

Les 24 et 25 septembre au Théâtre Outremont.

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Cinq suggestions au FIL

Poèmes d’enfants innus

IMAGE LYDIA MESTOKOSHO-PARADIS, FOURNIE PAR LE FIL

Image tirée de l’exposition Nin Auass : Moi l’enfant

Trois expositions promettent de nous faire découvrir les mots d’enfants innus qui ont été au cœur de Nin Auass/Moi l’enfant, livre de Joséphine Bacon et de Laure Morali, illustré par Lydia Mestokosho-Paradis et publié chez Mémoire d’encrier. Les deux auteures ont rencontré pendant quatre ans plus d’un millier de jeunes de 10 communautés innues du Québec et les ont accompagnés dans l’écriture de poèmes qui expriment leurs rêves, leurs tristesses et leur fierté. Le parcours poétique a été conçu à partir des textes bilingues (en innu-aimun et en français), des illustrations ainsi que d’enregistrements audio.

Du 24 septembre au 3 octobre, en tout temps (à l’extérieur) au Jardin d’art de la Grande Bibliothèque et au Parvis du Musée d’art contemporain de Montréal, et de 14 h à 19 h à la Maison Théâtre.

Dans les mots d’Aki Shimazaki

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Aki Shimazaki

Au cœur d’Aïko est un spectacle-lecture inspiré du roman Yamabuki, d’Aki Shimazaki. Les écrits de cette Montréalaise née au Japon ont ravi Catherine Allard lorsqu’elle les a découverts avec sa première pentalogie, il y a 10 ans. Elle a choisi et mis en scène des extraits de l’œuvre qui seront interprétés par Sylvie De Morais-Nogueira et qui nous feront réfléchir, avec l’histoire du coup de foudre entre deux amoureux vieillissants — Aïko et Tsuyoshi —, à cette grande question : quel est le secret de l’amour qui dure ?

Le 28 septembre à 19 h, à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Dans l’intimité de Charles Baudelaire

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Le spectacle Le salon de Madame Baudelaire rend hommage au poète et à son amour fou pour Jeanne Duval.

Le salon de Madame Baudelaire est un spectacle littéraire qui arrive à point pour le 200anniversaire de la naissance de Charles Baudelaire. L’écrivain Serge Lamothe rend hommage au poète en explorant son amour fou pour Jeanne Duval. Leur histoire d’amour tumultueuse, condamnée par la société de l’époque en raison des origines de cette femme descendante d’esclaves, est selon le créateur un exemple de courage et d’ouverture à la différence. La mise en lecture est signée Alexis Martin, tandis qu’Emmanuel Schwartz et Marie-Madeleine Sarr incarnent le couple sur scène.

Les 29 et 30 septembre à 20 h, au Théâtre Outremont.

Paroles de femmes poètes

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Lorrie Jean-Louis est l’une des artistes qui sera sur scène pour Bruits textures.

Voilà un autre spectacle littéraire qui célèbre la poésie tout en alliant musique et vidéo expérimentales. Bruits textures est un cabaret qui présente les paroles de sept artistes montréalaises qui ont participé à l’Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec 2000-2020 (parue aux éditions du Remue-ménage en 2021). Seront sur scène Daria Colonna, Carole David, Roxane Desjardins, Lorrie Jean-Louis, Catherine Lalonde, Sina Queyras et Claudine Vachon.

Le 1er octobre à 19 h, à l’Auditorium de la Grande Bibliothèque.

Le FIL en famille

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Le vieillard et l’enfant est un spectacle littéraire et musical pour les enfants de 7 à 12 ans.

Les enfants aussi n’ont pas été oubliés, avec plusieurs spectacles et évènements destinés aux plus jeunes. Conte du littoral s’adresse à un public de 7 à 12 ans et s’inspire de l’œuvre et de la vie de l’écrivain Jacques Ferron dans une épopée onirique, où des personnages rencontrent des marionnettes. Toujours pour le même groupe d’âge, Le vieillard et l’enfant, de Gabrielle Roy, se veut une introduction à l’œuvre de l’écrivaine dans une mise en scène signée Edgar Bori. Et enfin, dans une formule hybride, en salle et en ligne, Les mots parleurs est un camping littéraire orchestré par Simon Boulerice, qui guidera les jeunes de 8 à 12 ans à travers des ateliers d’écriture et de dessin.

Conte du littoral, le 25 septembre à 13 h et 16 h, à la Maison Théâtre. Le vieillard et l’enfant, le 3 octobre à 15 h, au Théâtre Outremont.

Les mots parleurs, le 26 septembre de 9 h 30 à 14 h, sur Facebook ou à la Maison Théâtre.