Les autorités estiment qu’il y a environ 4000 sans-abri dans les rues de Montréal, mais il y en a sans doute beaucoup plus. Bien qu’on en croise chaque jour, on sait fort peu de choses de leur réalité. Comme si les itinérants vivaient dans un monde parallèle au nôtre. Avec Plácido-Mo, le théâtre Espace Libre veut justement nous faire voir ce monde qui nous échappe.

Ce sixième spectacle de quartier d’Espace Libre, présenté en collaboration avec l’organisme L’Itinéraire et la compagnie Obskené de Barcelone, est un déambulatoire d’environ 60 minutes dans les rues du Centre-Sud. L’œuvre a été créée à Barcelone, en hommage à Plácido Morales, chômeur espagnol qui a vécu 10 ans dans les rues de Barcelone et témoigné de sa réalité sur Twitter, avant de mourir en 2010 à l’âge de 52 ans. Les concepteurs nous proposent ici une version montréalaise, créée avec des personnes qui ont connu l’itinérance dans le Centre-Sud, après avoir mené des entrevues et exploré le terrain.

À l’arrivée, on nous fournit un casque d’écoute qu’on portera durant tout le trajet. Le metteur en scène Ricard Soler Mallol sert de guide pour accompagner le petit groupe de spectateurs dans les rues et les ruelles autour du théâtre.

Tout au long du parcours, on entend les témoignages de Nico, Mario et Diane. Trois personnes itinérantes d’âges et de profils très différents, mais qui ont en commun d’avoir passé plusieurs années dans la rue du quartier, avant de s’en sortir. Mario est le pionnier des trois, puisqu’il a connu l’itinérance… dans les années 1980.

Ici et là, on a mis des accessoires et des éléments de décor qui soulignent des segments du récit. Et aussi pour mettre en perspective les réalités de diverses situations d’itinérance : où dormir ce soir ? Où aller aux toilettes ? Avoir une relation sexuelle ? Ou, plus prosaïquement, quel restaurant a les hot-dogs « steamés » les moins chers en ville ?

On réalise à quel point la solitude est lourde en situation d’itinérance ; elle l’est encore plus depuis la pandémie. Des commerces « essentiels » à leurs yeux, comme Tim Hortons ou McDonald’s, ont fermé ou réduit leurs heures d’ouverture, les privant de quelques instants au chaud. On apprend aussi que pour un sans-abri, quêter dans la rue peut être aussi « un moyen de pouvoir parler avec les gens »…

PHOTO KEVIN CALIXTE, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Ici et là, on a mis des accessoires et des éléments de décor qui soulignent des segments du récit.

Cette proposition artistique a la double qualité de nous faire vivre une relation intime avec les arts vivants (chaque spectateur est dans sa bulle) et de nous ouvrir les yeux sur une réalité sociale dérangeante.

À la fin du parcours, le groupe se retrouve dans un petit parc au pied du pont Jacques-Cartier. C’est là où Nico a passé sa première nuit dehors, par un soir frileux d’octobre, le jour de son 18e anniversaire. Tout seul, il s’est installé sur son sac de couchage près d’un arbuste. Il a ouvert une boîte de Tim Hortons et il a allumé une bougie sur un beigne…

Plácido-Mo

Texte et mise en scène de Magda Puig Torres et Ricar Soler Mallol

À Espace Libre, Jusqu’au 5 septembre. Le parcours est proposé à différentes heures, les soirs de semaine et les week-ends.

7/10

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