(Paris) Sex-symbol balafré dans la série des Angélique avant de devenir un géant du spectacle, Robert Hossein, décédé jeudi au lendemain de ses 93 ans, a rejoint les rangs des nombreux monuments de la culture française disparus en 2020, de Michel Piccoli à Guy Bedos.

Il est décédé « ce matin à l’hôpital », après « un problème respiratoire », a indiqué à l’AFP son épouse, la comédienne Candice Patou, confirmant une information du Point.  

Près d’un siècle de théâtre et de cinéma, et un rôle qui marquera le grand public : celui de Joffrey de Peyrac, dans la série des Angélique, marquise des anges aux côtés de Michèle Mercier, le transformant en sex-symbol des années 60.

Il joue dans une centaine de films de 1948 à 2019 — et réalise une quinzaine de films. Il donne la réplique à Brigitte Bardot dans Le repos du guerrier (1962) et devient l’acteur fétiche de Roger Vadim.

La ministre de la Culture Roselyne Bachelot a rendu hommage à un « incroyable comédien, metteur en scène et réalisateur, qui a habité et construit l’imaginaire de générations d’amoureux du théâtre et du cinéma ». Un homme « soucieux d’offrir du rêve et des émotions intenses » par ses « grandes fresques historiques et populaires », souligne un communiqué de son ministère.

« Du théâtre comme vous n’en verrez qu’au cinéma » était la devise de ce défenseur du théâtre destiné au plus grand nombre, avec de superproductions comme Un homme nommé Jésus, Les Misérables ou Notre Dame de Paris, totalisant une énorme partie de la fréquentation théâtrale hexagonale (entre 300 000 à 700 000 entrées par spectacle).

« Avec Robert Hossein, c’est toute une génération de talent et d’élégance qui disparaît à jamais. Il avait le charme slave, un talent d’acteur et de metteur en scène qui éclaboussait le théâtre et le cinéma », a réagi Brigitte Bardot dans une déclaration à l’AFP. « Que mon merveilleux guerrier repose en paix ».

Isabelle Ajdani rend hommage, également dans un message transmis à l’AFP, à « l’âme slave » et à la « grande générosité » de Robert Hossein à l’égard des acteurs et actrices qu’il appréciait, en soulignant « son sens de l’absolu qui a été tout au long de sa vie celui d’un adolescent ».

Jean-Paul Belmondo salue quant à lui la mémoire de celui, « plus qu’un ami », qui « repoussait tout le temps toutes les limites » dans le théâtre comme dans le cinéma, « esprit de créateur infatigable toujours en éveil ».

« Pour les intellos je suis un primate »

« C’était le prince du théâtre populaire », a résumé l’ancien président du Festival de Cannes Gilles Jacob sur Twitter.

L’actuel président du Festival, Pierre Lescure, a salué un metteur en scène qui était « l’illustration que rien n’est jamais trop pour que les spectateurs soient “transportés” ».

L’ancien ministre de la Culture Jack Lang a rendu hommage à un « prolifique et flamboyant homme de théâtre et du cinéma », dont la « voix de Stentor rugissait » et dont « le physique de beau ténébreux subjuguait ».

Né le 30 décembre 1927 d’un père iranien zoroastrien compositeur et d’une mère russe orthodoxe, Robert Hossein, né Abraham Hosseinoff, a grandi dans la pauvreté et décidé après guerre, à 15 ans, de se consacrer à l’art dramatique.

Devenu « esclave » de son image selon ses propres mots, le « Casanova de midinettes » comme l’appelait Marguerite Duras, décide de tout quitter.

À Reims, cet autodidacte fonde son « théâtre populaire » et une école dont sortiront Anémone et Isabelle Adjani.

Il laisse de grosses dettes, qu’il rembourse sur ses économies. Quand il quitte Reims huit ans plus tard, il laisse une ardoise de plusieurs millions d’euros.

Directeur artistique du théâtre Marigny (2000-2008), il est presque à contre-courant d’une époque où les metteurs en scène sont fascinés par le conceptuel. Il dit vouloir parler au cœur plutôt qu’à la raison et défend ardemment sa vision du théâtre populaire.

« Il n’y a pas de honte à faire 500 000 spectateurs avec des gens qui ne sont pas préparés à voir Shakespeare. Pour les intellos, je dois passer pour un primate, mais je m’en tape », avait-il dit.