Rien ne va plus chez Lesage-Lepage, fabricant de purée pour bébé. Une restructuration a été annoncée ; des réductions draconiennes de personnel sont déjà prévues. Pour les travailleurs, c’est le choc.

Ce scénario a été maintes fois joué dans les pages économiques des journaux, mais cette fois, c’est sur les planches de La Licorne qu’il se déploiera. En effet, le théâtre de l’avenue Papineau propose en captation vidéo Fairfly, étonnante comédie socio-économique de l’auteur catalan Joan Yago, traduite par Maryse Warda et mise en scène par Ricard Soler.

On y découvre Amélie, Simon, Martha et Philippe, quatre amis dans la trentaine qui voient leurs postes menacés par le plan de restructuration de Lesage-Lepage. Ils n’ont pas l’intention de baisser les bras, mais comment se battre contre un système qui se soucie peu du sort des employés ? Et si la solution était de lancer leur propre entreprise, en restant fidèles à leurs valeurs sociales et écologiques ? C’est ainsi que naît Fairfly, l’entreprise qui révolutionnera le monde de la purée pour bébé…

« Cette pièce est plantée dans l’univers des start-up qui n’a pas souvent été abordé au théâtre », raconte Sonia Cordeau, qui incarne Martha, la plus pragmatique du groupe. « Au départ, les personnages ont des rêves, des idéaux. Ils veulent changer le monde, mais la vie va vite les ramener sur terre. »

« Face à ce train qui va trop vite pour eux, leurs convictions vont s’effriter », ajoute Simon Lacroix, qui endosse le rôle de Simon-l’émotif. « Cette pièce est une critique du néolibéralisme, mais c’est aussi un prétexte pour parler des relations humaines, pour parler d’amitié. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Sonia Cordeau et Simon Lacroix sont de la distribution de Fairfly.

Pour incarner ces quatre trentenaires soudés par une amitié qu’ils croient indéfectible, le directeur artistique de La Licorne, Philippe Lambert, a tout de suite pensé au trio de Projet Bocal, Sonia Cordeau, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande. Mikhaïl Ahooja, qui gravite souvent autour du groupe, complète la distribution.

L’univers de Fairfly est pourtant assez éloigné de celui du collectif, plus tourné vers « l’humour absurde ou fantaisiste ». « La pièce est ancrée dans la réalité, c’est vrai, mais le fait que nous nous connaissons depuis longtemps, que nous soyons des amis dans la vie, a peut-être joué en notre faveur », dit Sonia Cordeau.

De fait, la pièce exige une grande cohésion et beaucoup d’écoute de la part des interprètes. Les répliques sont courtes, les phrases, souvent tronquées. Du véritable ping-pong verbal…

Le texte est très rythmé, avec beaucoup de chevauchements. Il y a toute une question de timing à maîtriser.

Sonia Cordeau, interprète de Martha

« Ça demande beaucoup de concentration, d’autant plus qu’on est tous sur la scène du début à la fin. Quand on termine, on est crevés », lance son partenaire de jeu.

C’est la première fois que La Licorne présente une œuvre d’un dramaturge catalan. La traductrice Maryse Warda a toutefois gommé les références à la Catalogne pour planter l’action au Québec. Selon les deux acteurs, le fait que la pièce soit mise en scène par Ricard Soler, d’origine catalane, a aussi aidé à mieux saisir certaines subtilités du texte. « On a vu des extraits de la pièce originale, présentée à Barcelone en 2017. Notre interprétation est différente. On est davantage dans l’humour pince-sans-rire que dans le vaudeville », explique Simon Lacroix.

COVID-19 oblige, les représentations prévues devant public ont été suspendues jusqu’au 23 novembre. Elles reprendront si le gouvernement et la Santé publique autorisent la réouverture des salles de spectacle. D’ici là, une captation vidéo est proposée au coût de 20 $ à compter de mardi, et ce, jusqu’au 12 décembre.

« J’ai vu des extraits de la captation, et on se croirait vraiment à La Licorne, dans la première rangée, estime Sonia Cordeau. Comme interprètes, on n’a pas changé notre niveau de jeu en raison de la présence des caméras… C’est du pur théâtre, même si le public n’est pas là. »

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