Parents et enfants sont conviés à une aventure rare: passer toute une journée à la Maison Théâtre. Sur scène, trois pièces de Philippe Soldevila où il est question d’émigration et d’intégration.

Passer une journée au théâtre est une expérience inusitée qu’on propose parfois aux adultes. Ivo van Hove, épatant metteur en scène flamand, l’a fait plus d’une fois avec des tragédies de Shakespeare (Kings of War, Tragédies romaines) et Robert Lepage (La trilogie des dragons, Lipsynch, Les sept branches de la rivière Ota) a trouvé dans les spectacles de six, sept ou même neuf heures une forme à la mesure de son génie.

Philippe Soldevila, lui-même ancien collaborateur de Lepage, ose à son tour. Ses Conte de la lune, Conte de la neige et Conte du soleil seront en effet présentés l’un à la suite de l’autre à la Maison Théâtre demain et dimanche : trois heures de spectacle, mais sept heures au total, en comptant les activités parallèles de réflexion et de création. Une rareté, sinon une première au théâtre jeunesse québécois, et l’aboutissement d’un «rêve fou» pour le dramaturge et metteur en scène de Québec.

Une question universelle

Sa trilogie est une fresque familiale sur l’émigration et l’intégration inspirée de ses propres racines. Son père, fils d’un républicain espagnol, a en effet quitté le pays de Franco dans les années 50 pour s’établir à Québec où Philippe Soldevila est né et a lui-même fondé une famille. Trois garçons de 10 ans – des personnages calqués sur son père, lui-même et l’un de ses fils – constituent les pivots de cette histoire faite de déchirements intimes et de questionnements identitaires.

«Il y a quelque chose d’absolument universel dans la question de l’identité et de l’immigration», juge l’auteur dont la pièce Conte du soleil est présentée, seule, depuis quelques jours à la Maison Théâtre. Et d’immensément actuel, se dit-on, lorsqu’on songe aux réfugiés syriens qui ont abouti au Québec et aux caravanes de migrants qui ont traversé le Mexique, voire l’Amérique centrale, dans l’espoir d’entrer aux États-Unis ces dernières années.

«L’identification est immédiate. Ici, la majorité des enfants sont d’origine étrangère, alors c’est sûr que ça frappe dans le mille.»

Un papa ou une grand-maman qui parle avec un drôle d’accent, ça résonne en effet dans la tête de bien des enfants et des ados de la région de Montréal.

«Ce que je réalise comme auteur, c’est l’impact individuel du récit sur l’identité», dit encore Philippe Soldevila. Il regrette que ses propres enfants ne parlent pas l’espagnol, mais estime leur avoir transmis une chose précieuse à travers ces textes: le sentiment d’appartenir à une histoire. «Et je pense que c’est l’une des grandes forces des immigrants: être assis sur une grande histoire qui est une force pour survivre au quotidien.»

Entre les pièces, les spectateurs, enfants et adultes, auront bien sûr le temps de dîner et de grignoter, mais sont aussi invités à participer à des échanges, des ateliers de création et même de «philo créative» lors desquels des médiateurs culturels inviteront les enfants à réfléchir et à partager leurs idées au sujet de thèmes tirés des pièces. Ces activités ont été mises sur pied par la Maison Théâtre.

À la Maison Théâtre les 13 et 14 avril, dès 10 h