On connaissait le talent de conteur de Michel Rivard, qui a toujours ponctué ses spectacles musicaux de quelques apartés, que ce soit pour raconter l'histoire qui se cache derrière une chanson, poétiser une scène de vie, ironiser sur quelque absurdité du quotidien ou exprimer une opinion (parfois politique). Avec L'origine de mes espèces, l'auteur-compositeur-interprète vétéran inverse ce rapport.

Son récit autobiographique - centré sur sa jeunesse et ses parents - est ponctué de chansons qu'il interprète seul sur scène. Une proposition à la fois originale et risquée, que Michel Rivard livre ici avec beaucoup de coeur et d'émotion, sur le ton de la confidence.

Enquête sur le père

La pièce débute par l'évocation de ce test d'ADN auquel se soumet Michel Rivard. Ce sera le fil conducteur de son récit sur le doute, construit autour d'une enquête sur un père qui pourrait ne pas être le sien... Le chanteur nous entraîne rapidement dans cette quête, photos (floues) à l'appui, qui prend forme petit à petit avec un souffle dramatique étonnant.

Il sera question de sa jeunesse en banlieue, puis à Montréal, rue Marquette, du Québec des années 50, des curés, et beaucoup de sa mère, « qui n'avait pas le bonheur facile ». « Elle m'a donné le monde et sa tristesse aussi », dira-t-il. Et bien sûr de son père acteur, « porté sur la boisson », qui a toujours eu un doute sur sa paternité, mais qui l'a aimé, à sa façon.

Évidemment, quand il prend sa guitare, Michel Rivard s'illumine, et ce sont là les meilleurs moments de L'origine de mes espèces.

D'abord, ses chansons contribuent à faire avancer le récit ; et puis l'auteur-compositeur-interprète chante avec les mots justes, poétisant juste ce qu'il faut, avec force et fragilité, créant un rapport d'intimité instantané avec le public, grâce à des mélodies accrocheuses.

À 67 ans, la voix claire de Michel Rivard est intacte - malgré une maladie pulmonaire (la sarcoïdose) qui lui coupe légèrement le souffle. Il faut le savoir (et il nous le dit d'ailleurs !).

Le chanteur évite aussi le piège de la trop grande théâtralisation de son histoire. Il y a bien quelques passages où la « livraison » du texte nous paraît moins naturelle, mais la plupart du temps, Michel Rivard joue son propre rôle à la perfection, narrant son histoire dans un langage familier, avec quelques segments plus poétiques tout à fait bienvenus.

De Tombé du ciel, où il évoque les pièces de puzzle manquantes de nos vies, à Maman mélancolie où il raconte les chants de sa mère, rabrouée plus jeune par une religieuse qui trouvait qu'elle chantait faux, en passant par Le sourire immense des amoureux, où il parle de l'absence d'amour entre ses parents, chaque fois Michel Rivard fait mouche.

C'était sans doute son grand défi : raconter son histoire (très personnelle) en nous tendant un miroir pour nous ramener (un peu) vers la nôtre.

Le travail dramaturgique d'Alexia Bürger et la mise en scène de Claude Poissant sont précis et efficaces. Idem pour les arrangements musicaux de Philippe Brault et du musicien Vincent Legault (qui partage la scène avec le chanteur). On se demande par contre comment cette valeureuse équipe parviendra à recréer cette ambiance intime sur le grand plateau de Duceppe...

À la fin, il reste cette calme assurance du troubadour, qui se confie. Avec une chaise, une petite passerelle et une porte, le propos de Michel Rivard s'insinue en nous, sa petite histoire se mêlant à la grande, qui se mêle à son tour à la nôtre.

Consultez le site de la pièce.

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L'origine de mes espèces. De Michel Rivard. Mise en scène de Claude Poissant. À La Licorne jusqu'au 18 avril, puis au Théâtre Jean-Duceppe du 28 novembre au 7 décembre.

PHOTO LEPETITRUSSE, FOURNIE PAR LA LICORNE

Conteur talentueux, Michel Rivard parvient à incarner son propre rôle à la perfection.