Pendant un siècle, des pensionnats ont séparé quelque 100 000 enfants autochtones de leurs familles. Les pensionnaires de ce système extrêmement rigide - instauré par la Loi sur les Indiens - n'avaient pas le droit de s'exprimer dans leur langue maternelle. Les pensionnats ont aussi été le théâtre de sévices de toutes sortes. Michel Monty, dans sa pièce Le pensionnat, s'est engagé dans un projet de «guérison», avec des jeunes de la communauté autochtone de Mashteuiatsh.

Sur scène, six jeunes acteurs autochtones âgés de 10 à 15 ans (et le comédien Justin Laramée) raconteront l'histoire de ceux qui sont passés par les pensionnats. Sans filet.

 

«J'ai essayé de créer un concept que les jeunes seraient capables de réaliser. Ce n'est pas une pièce de théâtre des répliques et une histoire, mais plutôt un spectacle d'impression, d'atmosphère. J'essaie, avec eux, de travailler la notion de présence, l'importance d'être vrais, d'incarner avec le plus d'authenticité cette histoire-là. Je fais du mieux que je peux!» raconte Michel Monty, coconcepteur du Pensionnat.

La plupart de ces jeunes de Mashteuiatsh (une communauté collée sur Roberval) - qui ont entre 10 et 15 ans - n'ont jamais mis les pieds dans un théâtre. Même qu'ils en seront à leur première visite à Montréal. Une première visite urbaine pas comme les autres, qui se déroulera sous les projecteurs de l'Espace libre.

«On change la vie de ces enfants, on leur donne l'occasion de voir autre chose. Ces viennent de tous les milieux: certains sont relativement nantis, d'autres carrément défavorisés. Il y en a qui se présentent aux répétitions sans avoir mangé. Parfois, je dois les laisser dormir une heure, parce qu'ils ont passé une nuit blanche», me raconte Michel Monty. La veille de notre entrevue, le metteur en scène et auteur rentrait d'un séjour à Mashteuiatsh. Depuis déjà plusieurs semaines, le cofondateur de TransThéâtre consacre plus de la moitié de son temps à ce spectacle qu'il monte avec les jeunes Autochtones.

«Après La société des loisirs et Gagarin's Way, j'avais envie de me plonger dans un univers théâtral complètement différent. On veut faire un théâtre de guérison, par l'art. Mais ce n'est pas didactique: il y a peut-être un petit côté pamphlétaire, mais je dis aux enfants qu'avant tout on va faire un bon show.»

Blessures d'un peuple invisible

Le «on» de Michel Monty inclut non seulement ces jeunes de la communauté de Mashteuiatsh, mais aussi son acolyte Claude Boivin, un Innu du Lac-Saint-Jean rencontré dans un atelier de théâtre pour autochtones à l'École nationale de théâtre. Un ex-pensionnaire qui a survécu à une «dérape» de 20 ans sur l'abrupte pente de l'alcoolisme, la toxicomanie et les tentatives de suicide. Un destin tristement banal chez les autochtones.

«Une amitié s'est créée entre moi et cet homme dans la cinquantaine qui m'a raconté son expérience du pensionnat, dans les années 60. Ça m'a bouleversé de me rendre compte que la majorité d'entre nous n'était pas au courant de cette histoire.»

Une tragédie nationale. C'est ainsi que Michel Monty qualifie le dévastateur legs des pensionnats. En juin dernier, le gouvernement fédéral a offert ses excuses officielles, en fermant le parlement pour une journée. Il y a eu, également, certaines compensations financières. Mais cela est beaucoup trop peu, trop tard, pour réparer des vies, des générations brisées.

«Les problèmes de violence conjugale, de drogue, de suicide que vivent en ce moment les autochtones, découlent des pensionnats. Ceux qui y ont été violés ou abusés en sont sortis détruits. On pense que les Indiens sont génétiquement pris avec des problèmes de violence, mais ce n'est pas vrai», soutient Michel Monty.

Tout comme Manon Barbeau et sa Wapikoni mobile - qui, soit dit en passant, célèbre ces jours-ci ses cinq ans - Michel Monty et Claude Boivin ont voulu offrir des outils d'épanouissement culturels. Parce que jusqu'alors, «ceux qui ont un trop-plein d'énergie ou de talent n'avaient accès qu'à des activités sportives.»

Mais le mal est fait, chez les jeunes autochtones qui ne parlent pas un mot de leur langue ancestrale. «Ça a marché, les pensionnats!» déplore Michel Monty. Ne reste plus que le devoir de mémoire. «Plusieurs peuples qui ont vécu des choses tragiques sont retournés sur le passé, pour transformer la souffrance en création artistique. Ce projet fait partie de ce désir de percer le silence.»

Le pensionnat, conception Michel Monty et Claude Boivin, à l'Espace libre du 16 octobre au 1er novembre.