Fred Nguyen Khan n’en revient toujours pas d’avoir joué dans The Sympathizer, une minisérie du réseau américain HBO avec Robert Downey Jr. En entrevue, l’acteur québécois parle d’une chance inouïe, d’autant plus qu’il a vécu l’expérience avec son ami, Duy Nguyen, un autre comédien montréalais. « Qu’un d’entre nous décroche un rôle comme ça, c’était déjà beau. Les deux ensemble ? C’est un miracle ! »

Inspiré du roman du même titre de Viet Thanh Nguyen, gagnant du prix Pulitzer en 2016, The Sympathizer (Le sympathisant) explore l’après-guerre du Viêtnam. Cocréée, coproduite et coréalisée par Park Chan-wook (Oldboy, The Handmaiden), la série est entrée en ondes dimanche soir aux États-Unis. Au Québec, on peut la regarder sur Crave.

Durant notre entretien téléphonique, vendredi, Fred Nguyen Khan et Duy Nguyen disaient ressentir une palette incroyable d’émotions à l’approche du jour J. Anxieux et excités, mais fatigués au terme d’une longue tournée de promotion, ils avaient hâte que leurs proches puissent enfin apprécier leur travail, tenu ultrasecret depuis leurs six mois de tournage, de novembre 2022 à mai 2023, entre la Thaïlande et Los Angeles.

PHOTO CHRIS DELMAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Duy Nguyen à la première médiatique du Sympathisant à Los Angeles, mardi dernier

« C’est un rôle de rêve dans une série de rêve, commente Duy Nguyen, en anglais. Pas juste pour moi, mais pour tous les acteurs. C’est mon premier gros projet en carrière. C’est aussi la première fois que j’ai la chance de jouer un personnage vietnamien. C’est très spécial. »

Avec Robert Downey Jr.

Scindée en sept épisodes et couvrant la période de 1975 à 1980, The Sympathizer relate les tribulations du « Capitaine » (Hoa Xuande), un espion communiste nord-vietnamien dans l’armée sud-vietnamienne, en exil aux États-Unis après la chute de Saigon.

Duy Nguyen et Fred Nguyen Khan campent ses deux meilleurs amis : Man, son agent de liaison avec l’armée nord-vietnamienne, et Bon, un valeureux patriote qui déteste le communisme.

Pour sa part, Robert Downey Jr. joue différents personnages secondaires. Au premier épisode, il incarne un agent de l’agence de renseignement américaine (CIA). Au deuxième, il interprète un professeur obsédé par l’Asie, tendance fétichiste. Et ainsi de suite.

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Robert Downey Jr. dans Le sympathisant

« J’ai joué quelques scènes avec [Robert Downey Jr.], souligne Fred Nguyen Khan. Mais comme mon personnage ne parle pas trop, trop anglais, on n’a pas eu beaucoup d’interactions verbales. Cela dit, c’était toute une expérience. C’est un homme généreux et sympathique. »

Fred Nguyen Khan affirme avoir évolué comme comédien en côtoyant l’acteur oscarisé.

J’ai appris qu’il ne faut pas avoir peur de poser des questions quand tu as besoin de quelque chose ou quand tu as besoin de clarifications. Il faut que tu prennes ta place, mais de manière professionnelle et respectueuse.

L’acteur Fred Nguyen Khan

La série met également en vedette l’actrice canado-américaine Sandra Oh (Grey’s Anatomy, Killing Eve).

Une expérience « intense »

Fred Nguyen Khan roule sa bosse depuis plus d’une dizaine d’années comme acteur et cascadeur. Le Montréalais, qui parle parfaitement français, est apparu au générique de quelques séries québécoises, dont District 31, Les honorables et Trop. De son côté, Duy Nguyen a notamment joué dans La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, de Xavier Dolan.

Fred Nguyen Khan raconte avoir auditionné pendant des mois avant d’obtenir le rôle de Bon dans The Sympathizer.

PHOTO CHRIS DELMAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Fred Nguyen Khan à son arrivée au Paramount Theatre de Los Angeles, mardi dernier, pour la première du Sympathisant

« Quand Fred a décroché le rôle, on était tellement excités ! lance Duy Nguyen. Un acteur de Montréal qui part pour Hollywood ! Ça n’arrive pas tous les jours. »

Duy Nguyen était prêt à vivre ce « rêve américain » à travers son ami, mais, deux mois plus tard, sa candidature était également retenue. Et c’était direction L.A., sans tarder.

Quand on demande à Fred Nguyen Khan de résumer son expérience de tournage, un mot lui vient à l’esprit : fou.

Je savais que j’allais avoir du plaisir et rencontrer des gens cool, mais je ne savais pas à quel point ça allait être demandant physiquement et mentalement. J’ai dû jouer des scènes quand même assez intenses émotionnellement…

L’acteur Fred Nguyen Khan

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Fred Nguyen Khan dans Le sympathisant

Une perspective nouvelle

The Sympathizer aborde un sujet qui touche Fred Nguyen Khan et Duy Nguyen profondément, mais différemment l’un de l’autre.

« Je suis né au Québec, explique le premier. Mes parents ont quitté le Viêtnam durant la guerre. Je l’ai vécue à travers leurs yeux. Ce sont des réfugiés, ce sont des immigrants. Ils ont perdu beaucoup. Ils ont beaucoup souffert. J’avais donc une certaine image du Viêtnam avant d’y aller avec d’autres comédiens, après le tournage. Ça m’a ouvert les yeux. C’est vraiment un beau pays. La guerre, ça affecte les gens qui l’ont connue, mais après, ils retrouvent une certaine normalité. »

J’ai grandi au Viêtnam pendant 17 ans. J’ai été élevé des décennies après la guerre. Les citoyens du Viêtnam sont passés à autre chose parce qu’ils n’ont pas vécu le traumatisme d’être forcés de fuir leur pays. La guerre n’est pas leur sujet de prédilection. Ma famille n’en parle jamais.

L’acteur Duy Nguyen

PHOTO FOURNIE PAR CRAVE

Duy Nguyen dans Le sympathisant

Tantôt comédie noire, tantôt thriller d’espionnage, tantôt drame de guerre et tantôt satire, The Sympathizer aborde un pan important de l’histoire d’une manière quasiment inédite en Amérique du Nord : en adoptant la perspective vietnamienne.

Fred Nguyen Khan souhaite que l’œuvre produite par A24 (Beef, Euphoria) génère une véritable catharsis chez les Vietnamiens plus âgés, qui sont encore hantés par l’interminable guerre.

« Les gens de cette génération ont beaucoup de difficulté à parler des traumatismes qu’ils ont vécus. Ceux qui ont fui n’avaient pas le temps de s’inquiéter pour leur santé mentale parce qu’il fallait qu’ils trouvent un emploi. Il fallait qu’ils survivent. J’espère que notre série va ouvrir le dialogue et qu’ils vont pouvoir en parler. Parce que c’est difficile de guérir d’un traumatisme quand on fait juste l’ignorer. »

The Sympathizer est offert sur Crave, à raison d’un épisode chaque dimanche.