(Cannes) « Vaste mine d’histoires », les jeux vidéo vont « probablement devenir la première source d’inspiration d’Hollywood », estime Jonathan Nolan, frère du cinéaste Christopher et producteur britanno-américain de la série Fallout, adaptation d’une saga bien connue des gamers dont il fait partie.

Attendue jeudi sur Prime Video, la série se déroule 200 ans après une guerre nucléaire et suit les habitants privilégiés d’abris antiatomiques, contraints de remonter à la surface irradiée, où règnent violence, anarchie et créatures mutantes.

Elle est produite par Jonathan Nolan-qui a aussi réalisé les trois premiers épisodes-et sa femme Lisa Joy, duo à l’origine de la série Westworld.  

Son lancement survient un peu plus d’un an après The Last of Us, une autre série tirée d’un jeu post-apocalyptique. Le succès, public et critique, de cette dernière a entre temps prouvé que le passage de la console à la fiction en prise de vues réelles pouvait fonctionner.  

« Cela nous a énormément aidés que cette série sorte en premier, qu’elle soit si brillante et si bien reçue, parce que cela enlève beaucoup de pression », a assuré, bon joueur, Jonathan Nolan à une poignée de journalistes au festival Canneseries à Cannes (sud-est de la France), où « Fallout » était projetée hors compétition.

Les adaptations de jeux en film et en série ne sont pas nouvelles, mais leur qualité laissait souvent à désirer, du film Super Mario Bros de 1993, à la série Resident Evil sortie sur Netflix en 2022.

La donne semble avoir changé grâce à des créateurs qui « ont grandi avec des jeux vidéo » à l’instar de Jonathan Nolan, qui jouait à Pong, simulateur de ping pong minimaliste, sorti en 1972, avec son frère, et s’est émerveillé il y a 16 ans devant Fallout 3, jeu de rôle immersif.  

« C’est comme d’être né à la fin du XIXe siècle et d’assister à la naissance du cinéma », dit le producteur de 47 ans.

« Je me suis rendu compte à cette époque que la narration des jeux vidéo était devenue, à bien des égards, plus ambitieuse, plus avant-gardiste et plus punk rock que le cinéma ou la télévision », raconte Jonathan Nolan, qui verrait bien les univers de Half Life, Bioshock ou Portal, remplis de « moments à couper le souffle », adaptés en séries.  

« Pas un genre »

« On va beaucoup entendre parler dans les prochaines années du genre des jeux vidéo (au cinéma ou à la télévision), mais les jeux vidéo ne sont pas un genre[…] c’est un médium pour raconter des histoires, et même […] le plus gros médium vu le nombre de personnes qui y jouent et la taille de l’industrie », juge Jonathan Nolan.  

Les jeux vidéo pourraient ainsi dominer, dans les années à venir, la production hollywoodienne, friande de marques facilement identifiables.

D’autant « qu’on commence à sentir un reflux des films (de super-héros) adaptés de comics », estime celui qui a revisité Batman avec son frère en coécrivant The Dark Knight et The Dark Knight Rises.

À la différence de la série The Last of Us, calquée sur le jeu éponyme, Fallout crée de nouveaux personnages et une nouvelle trame, s’inspirant surtout du « ton » de son modèle, qui mêle « drame, émotion, humour noir, satire, politique ».

Le créateur du jeu, Todd Howard, et « son équipe ont participé à chaque étape » de l’adaptation, fait valoir Jonathan Nolan, qui n’a pas cherché à satisfaire les fans de la franchise.

Autre gage de succès, le soutien d’Amazon, qui a permis des tournages dans des décors naturels dans l’Utah ou en Namibie, sur la côte des Squelettes. « Quand on adapte un jeu vidéo, qui ne repose que sur des visuels générés par ordinateurs, des visuels très beaux qui plus est, on n’apporte rien à la franchise en donnant au public encore plus d’images virtuelles », justifie Jonathan Nolan.  

Mais cette immersion a un coût. Et Fallout devra « marcher auprès du public » pour connaître d’autres saisons, concède le créateur, « réaliste » et frustré de n’avoir pu terminer sa série Westworld, brusquement annulée après quatre saisons.