Une forêt, pour Fred Pellerin, c’était une étendue d’arbres avec des bibittes dedans. Jusqu’à ce qu’il devienne propriétaire d’un terrain de 60 hectares qui ne cesse de l’émerveiller. Et le voilà en phase avec la COP15 : dans la série documentaire Il était une forêt, le conteur fait partager ses apprentissages, mais aussi la beauté et son souci de préserver la biodiversité de ces bois qu’on regarde souvent de loin par la fenêtre de la voiture.

« On côtoie la forêt au Québec, mais je ne sais pas si on la connaît assez », se demande Fred Pellerin. Il ne se place pas au-dessus des autres : avant d’acheter un bois situé tout près de son village, Saint-Élie-de-Caxton, il n’en savait pas plus que la moyenne des ours.

Il en est devenu propriétaire il y a six ans, sans autre ambition que de profiter de la vue et d’un point d’eau. « Je l’ai acheté pour le lac, raconte-t-il. Je me suis dit : on va mettre un quai là-dessus et on viendra prendre l’apéro… »

« Observer les arbres évoluer de saison en saison, le plaisir de faire des sentiers, de suivre les pistes du chevreuil l’hiver pour trouver son ravage, de trouver le spot où sont les dindons, de cueillir les champignons ou le myrique baumier, d’aller à la pêche, tout ça était un peu flou pour moi, dit-il encore. Je ne pouvais pas me retrouver là-dedans. »

Petit à petit, à force de marcher dans sa forêt, souvent avec des gens plus connaisseurs que lui, son regard a changé. « Tout ce que je voyais prenait un sens, une autre valeur, souligne le conteur. La série documentaire était une façon d’apprendre moi-même avant d’en apprendre au monde. »

Un partage d’expériences

Il était une forêt le montre explorer son territoire en compagnie de spécialistes au savoir généreux : un biologiste spécialiste de la santé des lacs, un autre des insectes, un autre de la foresterie, d’autres de la cueillette sauvage. Il tente d’oxygéner son lac pour ensemencer de la truite, apprend à bûcher de façon responsable et pose un regard neuf sur les plantes – parfois comestibles – et même les bibittes qui l’entourent.

Ce qui est au cœur de la série réalisée par Patricia Beaulieu, c’est le lien avec la nature. Que ressent très fort Fred Pellerin et qui est merveilleusement bien exprimé dans une scène avec Isabelle Picard, ethnologue et autrice de la communauté huronne-wendat de Wendake : « Sur papier, tu peux être propriétaire d’un bout de territoire, mais quand tu es dans la forêt, tu fais partie du territoire. »

Cette seule réflexion prend une signification toute particulière alors que la COP15, conférence de l’ONU sur la biodiversité, se tient à Montréal. « On se place toujours au sommet de la pyramide comme seule bête intelligente sur cette planète, on se dit que des espèces sont menacées, que la planète est menacée comme si on était extérieurs à ça, constate le conteur. Si on fait un zoom out temporel, on doit aussi se rappeler que la nature n’a pas besoin de nous pour exister. »

PHOTO KARINE DUFOUR, FOURNIE PAR ICI TÉLÉ

Fred Pellerin

Une forêt, ça impose l’humilité.

Fred Pellerin

Il était une forêt ne cherche pas à faire la morale, plutôt à faire partager de la beauté et le bien-être associé au contact avec la nature. « Je suis installé dans cette forêt depuis deux ans maintenant. Ça change le rythme. Je vivais sur la rue principale au village, ce n’est pas le boulevard Saint-Laurent, mais il y avait des chars, du monde, des voisins. Ici, ça se passe à la vitesse des arbres et c’est très lent, un arbre, insiste Fred Pellerin. Si tu ne ralentis pas, tu es déphasé. »

L’amour de la forêt n’empêche pas Fred Pellerin de couper des arbres. Il y a même pas mal de scènes de scie mécanique dans les deux premiers épisodes de la série. « Ce qu’on coupe, ce n’est rien. Ce qui se régénère en pieds cubes de bois annuellement sur 60 hectares, c’est je ne sais pas combien de fois plus que ce qu’on cueille », assure toutefois le conteur, expliquant devoir notamment abattre des hêtres malades.

Fred Pellerin n’a aucune intention de devenir entrepreneur forestier. Sa petite érablière ne lui sert qu’à faire des cadeaux aux amis. « On n’a aucun souci de rentabilité », dit-il. Ce qui l’intéresse, c’est apprendre à vivre en accord et en équilibre avec sa forêt : cueillir de façon responsable les champignons et les plantes comestibles (pour « manger du paysage », comme il dit), et inciter les gens en général à poser un regard neuf sur les bois qui nous entourent.

Conteur avant tout

Son occupation principale restera de raconter des histoires. Son plus récent spectacle, La descente aux affaires, a été lancé en septembre et sa tournée s’étend déjà jusqu’à l’automne 2023. D’autres dates s’ajouteront forcément : en général, Fred Pellerin passe trois ans sur la route avec chaque nouveau conte.

« Monter sur scène et raconter une histoire, c’est là que ça se passe le plus pour moi », assure-t-il. Une fois qu’un nouveau spectacle est lancé, le conteur a toutefois l’esprit libre… pour inventer d’autres histoires. « Je viens de remettre le premier jet du scénario du prochain film à mon producteur et au réalisateur Francis Leclerc, dit-il. C’est le travail qui va m’occuper dans les prochains mois ! »

Il était une forêt, dès vendredi sur ICI Tou.tv Extra et à partir du 14 janvier sur ICI TÉLÉ.