Révélé par les réseaux sociaux pendant la pandémie, Arnaud Soly déploie maintenant sur scène et à la télé son humour absurde et son sens aiguisé de l’observation. Alors que la deuxième saison de Club Soly prend fin ce lundi à Noovo avec une émission spéciale de Noël d’une heure, il fait pour nous un survol de son année, mais aussi de l’actualité de 2022.

Un Félix et un Olivier pour la première saison de Club Soly diffusée l’an dernier, 50 000 billets vendus pour Stand Up, son premier spectacle : les choses vont bien pour Arnaud Soly. Mais quand il pense à son année, particulièrement l’automne pendant lequel tournage et tournée — une quarantaine de spectacles — se sont chevauchés, il voit surtout que les choses sont allées très vite.

« C’est comme un train en marche. Disons que je ne pouvais pas me permettre d’être malade », nous raconte-t-il au téléphone, directement de son sous-sol, alors que ses deux petites filles de 4 mois et de 3 ans sont à l’étage... et malades. Car à travers tout ça, il y a aussi son désir d’être un bon père et la culpabilité qui s’installe quand il doit s’absenter.

« Mais quand je suis à la maison, je suis complètement dans le moment présent. Tout le monde travaille trop, tous les parents vont comprendre ça. Il n’y a pas que les artistes qui vivent le déchirement travail-famille, c’est juste que nous, on a des horaires atypiques. »

En plus de faire beaucoup de route pour ses spectacles, la production de Club Soly est une vraie machine en soi. C’est que même si une grande partie des sketches sont tournés l’été, il est aussi en tournage chaque semaine, question de rester collé sur l’actualité.

Tous les sketches structurants, les chroniques, les sketches d’actualité sont tournés le lundi et diffusés la semaine suivante. Ça nous a permis d’aborder des choses comme la mort de la reine, les élections, ce qu’on n’aurait pas fait sinon… Ça donne une plus-value, une identité à cette émission. Sa couleur.

Arnaud Soly

Club Soly se situe ainsi quelque part entre Les Appendices et Infoman, mais ce qui intéresse l’humoriste, grand consommateur de nouvelles, c’est davantage les grandes tendances que les évènements précis. « C’est de quoi on parle cette année, l’environnement, l’intimidation, la cancel culture... Les choses qui sont sur toutes les lèvres, les grands thèmes qui nous habitent tous. Je dirais que c’est plus une émission actuelle que d’actualité. Qui est de son temps. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Arnaud Soly se prépare à tourner la dernière scène de la saison.

Adrénaline

Tourner chaque semaine a « les qualités de ses défauts », explique Arnaud Soly. « Pendant qu’on fait la postproduction d’un épisode, le montage, l’habillage sonore, je suis déjà en écriture avec Julien Corriveau pour la semaine suivante, en plus de gérer les réseaux sociaux avec les sketches de la semaine précédente. Parfois, on ne pousse pas aussi loin qu’on voudrait, mais il y a aussi une adrénaline que j’aime beaucoup. »

Il pourrait bien sûr décider d’avoir moins « les mains dedans », mais il rappelle que l’émission porte tout de même son nom. « Je ne le fais pas à moitié. Si je voulais être juste comédien dans un show à sketches, ça ne se serait pas appelé Club Soly ! »

Nous avons assisté, il y a quelques semaines, au tournage de la dernière scène du dernier épisode de la saison régulière. Entouré d’une équipe de techniciens, Arnaud Soly s’apprêtait à remercier les téléspectateurs en plusieurs langues et s’exerçait avec beaucoup de sérieux à sa prononciation.

  • Arnaud Soly apprécie les possibilités techniques qu’offre la télé.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Arnaud Soly apprécie les possibilités techniques qu’offre la télé.

  • Au piano en attendant qu’on tourne la dernière scène

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Au piano en attendant qu’on tourne la dernière scène

  • Petit moment de détente pendant que tout le monde se met en place.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Petit moment de détente pendant que tout le monde se met en place.

  • La scène est terminée, et le tournage de la saison aussi.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    La scène est terminée, et le tournage de la saison aussi.

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

« Je veux bien faire les choses, dans le respect de tout le monde ! C’est un gros plateau et je n’aime pas faire perdre de temps aux gens. On déconne dans la job, mais j’aime quand on déconne dans les règles de l’art. »

S’il a voulu faire le passage à la télé, c’est d’ailleurs parce qu’il y trouve des moyens qu’il n’aurait jamais eus en tournant des capsules dans son sous-sol avec son téléphone ou son ordinateur portable. « J’aime l’instantanéité des réseaux sociaux et je n’arrêterai jamais. Mais en télé, il y a des moyens techniques pour aller plus loin. Et c’est vraiment tripant de travailler en équipe et de mettre les forces de plein de gens ensemble. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Arnaud Soly aime se garder un peu de spontanéité.

Spontané

Une marque de commerce de l’émission est les fous rires de l’animateur — et de l’équipe ! — lors des sketches des invités, dont il sait les grandes lignes, mais pas les détails du texte. « Je ne veux pas savoir les jokes d’avance. J’aime garder ça spontané, ça crée un peu de magie sur le plateau. »

Si elle ne fait pas l’unanimité — « On flotte entre le plateau de variété et la fiction, ça peut être déroutant » —, cette forme attire de plus en plus les passages éclairs d’invités de prestige. Arnaud Soly n’en revient pas d’avoir pu tourner avec certaines de ses idoles, comme Marc Labrèche, Bruno Blanchet, Louis-José Houde ou Christine Morency.

Christine, c’est la fille qui me fait le plus rire au monde. On n’a eu aucun refus jusqu’à présent. Je pense que c’est un bon baromètre que ton émission va bien quand un gars comme Louis-José Houde dit “ouais, je vais venir”. C’est vraiment tripant.

Arnaud Soly

Fier du résultat, il estime que la saison qui vient de se terminer est meilleure que la première, surtout dans ses petits détails. « Quand tu commences à faire du pain, t’es meilleur la deuxième année ! »

2022 dans l’œil d’Arnaud Soly

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Quand nous avons demandé à Arnaud Soly de choisir les évènements qui ont marqué 2022, nous nous attendions à une revue humoristique. C’est plutôt un regard grave qu’il pose sur l’année qui se termine.

La guerre en Ukraine

« Je regardais ça monter les semaines avant, je pensais que Poutine bluffait, mais après, tu vois les images des tanks... Ça m’a vraiment marqué. En faisant cet exercice, le mot qui m’est revenu à chaque grande nouvelle, c’est impuissance. Ma manière de faire quelque chose, c’est d’essayer d’utiliser l’humour, pour parfois dénoncer... Sans tomber dans l’humour moralisateur, il faut prendre position, attaquer. »

Les révoltes en Iran et en Chine

« On dirait que la planète — et l’internet participe à ça — est en train de réaliser qu’on ne peut plus contrôler et censurer un peuple. Il y a comme une limite à ce que tu peux faire. » Mais est-ce qu’on peut parler de tous ces sujets en humour ? « Oui, même s’il y a des sujets glissants. Mais ce n’est pas toujours évident de trouver l’angle, surtout quand l’évènement est récent. »

L’élection de la CAQ

« Le système électoral, on en parle à chaque élection, mais cette année, c’était encore plus probant, le déséquilibre entre le pourcentage de vote et le résultat. Encore là, c’est l’impuissance : c’est le parti au pouvoir qui fait les règles, alors que ça devrait être le peuple. En même temps, c’est complexe, il faut proposer des solutions, et il n’y a pas de mode de scrutin parfait. Pendant les élections, on a beaucoup ri des pubs de la CAQ. Je suis capable de saluer ses bons coups, mais ces pubs, une madame dans le bois qui ne dit rien, elles étaient tellement risibles... »

L’inflation

« Avec l’inflation, la chute des marchés boursiers et des cryptos, l’économie est un gros sujet... On se sent impuissant. L’épicerie, le coût de la vie, le prix du gaz, c’est inquiétant, on se fait fourrer de partout et on ne sait pas quoi faire. » Sensible à la morosité ambiante, il prend le parti, particulièrement dans son spectacle, d’utiliser l’humour pour faire oublier le quotidien. « Cette plateforme est un privilège pour passer des idées, mais aussi faire passer un bon moment aux gens. L’art sert à faire réagir. Tu ne sors pas de ce spectacle avec des questions existentielles, mais j’essaie de parler d’enjeux sérieux. » Comme les pets sauce ? « Oui, mais c’est une métaphore du racisme ! Haha ! J’aime ce double niveau, parler de sujets sérieux, mais avec un traitement complètement juvénile. Je ne m’en cache pas. »

La Coupe du monde de soccer

PHOTO FRANCISCO SECO, ASSOCIATED PRESS

Emiliano Martinez, gardien de l’Argentine, arrête le ballon lors du match contre les Pays-Bas vendredi à la Coupe du monde.

« J’adore le sport et la Coupe du monde est l’évènement le plus exaltant de la planète. En parallèle, au Qatar, il y a la corruption, le jeu politique, des milliers de morts dans la construction des stades, les droits des femmes et des communautés LGBTQ+ qui sont niés... Ça met tout le monde dans une position où personne ne sait c’est la faute de qui, tout le monde se renvoie la balle et ressent de la culpabilité. Mais c’est encore l’argent qui gagne et qui a le dernier mot. »

La pénurie de main-d’œuvre

« Il y a plein d’autres choses que j’ai notées, la pénurie de main-d’œuvre, le système de santé... » Quand il regarde tout ce qui va mal, que souhaite Arnaud Soly pour 2023 ? « Les gens sont pris avec des problèmes à court terme. C’est difficile de parler des changements climatiques pour dans 10 ans quand tu n’es pas capable de voir ton épicerie sur 10 jours. C’est toute la violence du système dans lequel on vit, qui met de la pression sur tout, et on ne réglera pas ça demain. D’où le mot clé de la journée : impuissance. La clé de tout ça, c’est l’éducation. Il faut lui redonner ses lettres de noblesse. Pas juste l’école, mais la façon avec laquelle tu élèves tes enfants, quelles valeurs tu leur transmets, l’écoute, la tolérance, l’ouverture à l’autre. »

Mais dans un monde où on tente de nous faire croire qu’il y a « vraiment une radicalisation de la gauche et de la droite », Arnaud Soly aime penser que la majorité des gens « sont plus sensés qu’on pense ». « C’est comme si on s’inventait des ennemis imaginaires. Mais il faut trouver une manière de se parler tout le monde, et ce n’est pas en criant qu’on va trouver des solutions, ni sur les réseaux sociaux. Moi, j’aime rire des extrêmes. Je m’attaque aux too much, mes personnages sont plus grands que nature. Mais le vrai monde, il est plein de nuances. »