Prenez les chansons de Sting, ajoutez-y une histoire de famille déchirée par une guerre, puis saupoudrez le tout de danse lyrique et contemporaine, avec une touche de hip-hop et de breakdance, vous obtiendrez Message in a Bottle, une proposition grand public divertissante, mais pas toujours convaincante, qui nous vient du Royaume-Uni à l’invitation de Danse Danse.

Le grand Sting lui-même aurait donné son aval enthousiaste à ce projet dont la chorégraphie et la mise en scène sont signées Katie Price, grande admiratrice de l’artiste, présentée comme une figure de proue de la danse urbaine en Angleterre. Il est vrai que les fans du chanteur – qui constituent, on l’imagine, la grande majorité des spectateurs – devraient être charmés par cette production assez bien ficelée qui ne connaît pas de temps mort. Y sont mis en valeur les plus grands succès de l’artiste (Fields of Gold, Every Breath You Take, Roxanne et bien sûr, Message in a Bottle, entre autres), aux arrangements revisités par Alex Lacamoire, parfois avec des interprètes invités, à la sauce soul, orientale ou rock.

Il peut être périlleux de marier le corpus de grands artistes de la chanson avec la danse – on pense notamment à la proposition de BJM autour de Leonard Cohen qui n’a jamais convaincu l’autrice de ces lignes. Bien souvent, les concepteurs ne peuvent résister à la tentation d’y coller une trame narrative en voulant créer un ensemble cohérent, une ligne directrice entre les tableaux… Mais il est facile de tomber ainsi dans le convenu et le littéral, et de perdre en profondeur.

Cela dit, les chansons de Sting, grand humaniste, sont évocatrices et on peut comprendre l’envie de créer une pièce narrative dansée autour de son œuvre.

Histoire de réfugiés

PHOTO LYNN THEISEN, FOURNIE PAR DANSE DANSE

La pièce de danse-théâtre met en scène une famille de réfugiés.

La proposition mise de l’avant, claire comme de l’eau de roche (on ne fait pas dans la subtilité ici), est celle d’une famille unie et heureuse – deux parents et leurs trois adolescents – qui se retrouvera déchirée et endeuillée par la guerre civile, expulsée, emprisonnée, réfugiée, puis d’une lente reconstruction vers une nouvelle vie. Un sujet qui trouve résonance dans l’actualité et écho dans certaines pièces de Sting, artiste engagé politiquement.

Les premiers tableaux sont convenus, la danse, plaquée, tout comme les sourires sur les visages des danseurs. On a compris, ils sont heureux, tout baigne. Tous les codes du ballet narratif classique à la Giselle sont ici respectés, avec le grand plateau où les danseurs, regroupés sur scène, y vont de numéros d’ensemble ponctués de solos ou de duos, pantomimes à l’appui. À la différence près qu’on nous présente un mélange d’acrobaties, de danse contemporaine et urbaine, un mariage que nous avons trouvé un brin forcé, tout comme l’amalgame entre certaines chansons et leurs tableaux.

PHOTO LYNN THEISEN, FOURNIE PAR DANSE DANSE

Certains tableaux parmi les 28 sont très réussis, comme celui-ci, sur Englishman in New York.

Ainsi, un des personnages tombe amoureux et se marie au son d’Every Little Thing She Does Is Magic ; Don’t Stand So Close to Me devient le théâtre d’une agression par des soldats sur un groupe de femmes (pourquoi ?) ; Message in a Bottle et son SOS évidemment, est campé dans une prison ; Englishman in New York, assez touchant et rare moment plus posé, représente bien l’arrivée dans une nouvelle société, la perte de repères, et finalement, un nouvel amour qui fleurit.

C’est lorsque la chorégraphe sort du lyrique très lisse ou s’affranchit des figures au sol caractéristiques du breakdance qu’elle brille le plus, que la gestuelle se fait plus inventive, réellement hybride. On pense notamment à un magnifique tableau aux mouvements en canon, sous les douches de lumière.

La scénographie déploie beaucoup de prouesses techniques au service de l’histoire, notamment des projections sur un écran transparent, à l’avant-scène, et un autre à l’arrière, qui permettent de créer différents univers –, la pluie qui tombe, un naufrage en mer. L’utilisation de longs bâtons, dans une scène où les trois frangins sont emprisonnés, est astucieuse et crée visuellement un effet probant.

Mais c’est réellement en deuxième partie que la mayonnaise prend – enfin. Les tableaux, plus dynamiques et prenants, utilisent une structure mouvante carrée afin de moduler l’espace, d’une prison à une douane jusqu’à une rue malfamée, tableau parfait pour la chanson Roxanne, vraiment bien tournée, mais qui filtre dangereusement avec le cliché.

Les danseurs de la troupe de la chorégraphe, ZooNation : The Kate Prince Company, sont très athlétiques et savent capter l’attention par leur jeu et leur fougue ; on se laisse prendre par leur histoire, tout de même. Mais on reste sur notre faim avec la danse urbaine proposée, qui demeure somme toute commerciale.

Un spectacle divertissant, qui devrait plaire à un large public – et particulièrement aux fans de Sting –, mais peut-être pas à ceux qui recherchent une proposition plus inventive.

Message in a Bottle

Message in a Bottle

coproduciton de Sadler’s Well+Universal Music UK

Salle Wilfrid-Pelletier, Jusqu’au 16 mars

6/10

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