Exaltant croisement entre cirque, danse et musique électronique, le spectacle Jusqu’à ce qu’on meure imaginé par Brigitte Poupart est de retour à l’Arsenal pour jouer à rebours les dernières heures de l’humanité.
Au début était la mort. Dans une grande pièce ravagée par on ne sait quel cataclysme, des corps inertes sont déposés au milieu de décors de fin du monde. Rideaux déchirés flottant au vent, carcasse de voiture accidentée, cabine téléphonique sur laquelle un homme sans vie est juché.
Tableau apocalyptique
C’est ce tableau apocalyptique qui accueille les spectateurs à leur entrée dans la grande salle de l’Arsenal où sont dispersées çà et là des scènes aux formes et aux allures diverses. Sur une musique au rythme entêtant signée Alex McMahon, les cadavres doucement s’activeront. Et le temps remontera sa course.
Pendant 80 minutes, les spectateurs vont voir défiler tout autour d’eux des tableaux où la vie reprendra son cours avec effervescence.
Les interprètes – une douzaine de danseurs-acrobates de grand talent et d’une indéniable sensualité – vont s’enlacer ou se déchirer, leurs corps exultant de joie ou de folie créatrice. Les chorégraphies, élaborées par Dave St-Pierre et Marie-Ève Quilicot, collent à merveille à l’ambiance d’abord anxiogène puis festive du spectacle.
Guidé par un jeu de lumières qui fait une belle place aux lasers, le public va passer d’une scène à l’autre au gré de ses envies. Parfois, il sera abordé par un personnage qui s’immisce dans la foule. Tantôt, l’action se déroulera juste à ses pieds ; tantôt, c’est à l’autre bout de la salle que tout se passera. Qu’importe. La musique, elle, est partout et elle finira par emporter les danseurs comme les quidams. Le DJ, du haut de sa passerelle, semble d’ailleurs régner en maître sur le spectacle...
Dans ce jubilatoire voyage scénique dirigé par la metteuse en scène Brigitte Poupart, ce sont les notes qui comptent. Les mots prononcés n’ont pas grande importance. D’ailleurs, un seul interprète est équipé d’un micro dans lequel il psalmodie en anglais un texte décousu qui témoigne surtout de son tourment intérieur.
Interprétation personnelle
Debout au milieu d’une foule dense qui se déplace à l’unisson (on est loin des rassurants fauteuils rouges des théâtres), le public est vite happé par l’énergie foisonnante du spectacle. Les danseurs sont si près qu’ils finissent par nous toucher, les acrobates s’exécutent directement au-dessus de nos têtes.
Les conventions théâtrales ont été fortement secouées pour créer cette expérience complètement immersive. Il n’y a aucun quatrième mur qui sépare interprètes et public. Et Jusqu’à ce qu’on meure ne s’encombre d’aucune ligne dramatique claire, si ce n’est cette chronologie inversée qui est au cœur du propos.
Pour dire vrai, chaque spectateur repart de l’Arsenal avec sa propre interprétation de ce qu’il a vu, la tête chargée par les numéros qui l’ont touché. L’auteure de ces lignes a été fortement marquée par tout ce qui se passait dans une cuisine disposée à la verticale, où les corps tentaient de lutter contre la gravité. Une ingénieuse scénographie qui a donné lieu à des tableaux très forts...
Difficile de ne pas succomber devant ces vies qui palpitent plus fort encore sachant que la mort arrive... Quand le noir s’étend, peut-être vaut-il mieux danser jusqu’à la disparition de la dernière lueur ? C’est ce que ce spectacle hypnotisant semble nous dire et de la plus belle des façons : tant qu’à attendre la fin, aussi bien le faire dans une créativité qui fait fi de toutes les limites.
Consultez la page du spectacleJusqu’à ce qu’on meure
Spectacle de Brigitte Poupart, musique d’Alex McMahon. Avec 13 interprètes
Arsenal, Jusqu’au 24 mars