Les producteurs de Mel Brooks est une comédie musicale joyeuse et irrévérencieuse. Et qui verse abondamment dans la caricature. Les clichés sur les Juifs, les homosexuels, les Allemands, les personnes âgées… Tout le monde y passe ! À notre ère de rectitude politique où chacun cherche sa « zone sûre » pour se protéger de la « violence » des stéréotypes, ce spectacle est une grosse bouffée d’air frais.
Les producteurs, c’est aussi Broadway qui regarde Broadway. Avec son humour juif, son extravagance et ses clins d’œil aux travers de la comédie humaine, cette œuvre burlesque résonne au-delà de la farce grossière. À 97 ans, Brooks peut être considéré comme le père spirituel de Jerry Seinfeld et de Larry David.
L’intrigue du spectacle s’articule autour d’une trentaine de numéros musicaux. Après un échec monumental d’une adaptation de Shakespeare (Richard 4 ½), Max Bialystock, ex-roi de Broadway, frise la faillite. Mais il rencontre Leopold Bloom, un comptable qui rêve de show-business. Max va s’unir avec lui pour produire « le pire show du monde », Nos cœurs pour Hitler, avec entre autres un chorus line qui fait le salut nazi sur fond de croix gammées géantes !
Pour ce faire, le duo engage le pire metteur en scène de New York, Roger de Brie, avec sa médiocre équipe de concepteurs. Gigolo et malhonnête, Max soutire l’argent pour produire son navet à de vieilles et lubriques donatrices. Il est persuadé que le spectacle sera retiré de l’affiche au premier jour. Ce qui lui permettra de s’envoler à Rio avec le pactole. Or, le spectacle sera un triomphe…
L’arroseur arrosé
En imaginant cette histoire amusante, d’abord pour le cinéma, en 1967, puis pour la scène, en 2001, Mel Brooks a eu une idée de génie : partir du cauchemar de tous les artistes pour en faire une fable universelle. Celle de l’arroseur arrosé. Car Max deviendra vite la victime de ses propres machinations. Et il apprendra que le succès, bien que savoureux, n’est pas un but ultime dans la vie.
Après l’avoir jouée près de 400 fois devant le public parisien, Serge Postigo propose « une version faite sur mesure pour le public québécois », avec des références à Guy A. Lepage, Revenu Québec et autres « vas-y mollo ». Le comédien reprend le rôle principal, créé à Broadway par Nathan Lane, en plus de signer l’adaptation et la mise en scène.
Avec son chapeau mou, son manteau de pluie et sa veste, Postigo a l’habit, mais surtout l’âme du producteur. Ce personnage lui colle à la peau. Il touche par moments au génie comique.
L’acteur est entouré de Tommy Joubert (Leopold), de Marianne Orlowski (Ulla) et d’une vingtaine d’autres artistes, dont cinq musiciens dirigés par Guillaume St-Laurent. La qualité de la production est impeccable ! Cette version québécoise se compare à ce qui se fait de mieux à Broadway et ailleurs.
La chimie opère
La chimie entre les deux producteurs est le moteur du récit. Et elle fonctionne bien ici. A priori, le choix de Joubert pour jouer Léo pouvait sembler risqué. Cet interprète est doué, mais il a moins d’expérience que Postigo. Or, dès le premier solo du timide comptable, Je voudrais être un producteur, on est rassuré.
Dans les rôles secondaires, mentionnons aussi Thiery Dubé et son nazi nostalgique qui fait chanter ses pigeons en cage ; le tordant Führer très efféminé de Benoît Finley ; ainsi que son flamboyant assistant, incarné par Jean-Luke Côté.
Si la mise en scène se complaît un peu trop dans le burlesque à notre goût, les chorégraphies, le décor et les costumes de cette production sont de haut vol. Serge Postigo a mis en scène l’un des plus gros shows de Broadway au Québec, de mémoire, sans les moyens des producteurs de Broadway. Chapeau bas !
Consultez le site web du spectacle Les producteursLes producteurs
De Mel Brooks et Thomas Meehan. Adaptation, traduction et mise en scène : Serge Postigo.
Au Théâtre St-Denis et au Théâtre Capitole de Québec, Jusqu’au 14 avril à Montréal. Du 27 juin au 14 juillet à Québec