Quarante-neuf représentations dans le monde plus tard, The Storyville Mosquito est de retour dans la ville de son créateur, Kid Koala. La Presse s’est entretenue avec l’artiste multidisciplinaire, fort sympathique par ailleurs.

Un après-midi, alors qu’Eric San a 6 ou 7 ans, sa mère lui annonce que toute la famille va regarder un film. L’enfant n’est pas particulièrement enchanté. L’image de la VHS est en noir et blanc et la musique vieillotte. Il s’agit de Modern Times, de Charlie Chaplin.

« Après une minute, j’étais captivé, se rappelle Kid Koala. On riait tous de bon cœur. Je n’ai jamais vu ma grand-mère rire autant. Je me souviens aussi de certains moments plus tristes. Une énergie particulière était palpable. Dans ma tête, je me suis dit que j’allais reproduire cette énergie quand j’allais être grand. Pour moi, ce projet était comme un rêve. »

Cette dernière phrase, l’artiste né à Vancouver résidant aujourd’hui à Montréal nous l’a dite en français avec une étincelle dans les yeux.

DJ, musicien, compositeur, bédéiste et créateur à l’imagination sans borne, Kid Koala s’efforce depuis des années de faire vivre des émotions à toutes les générations. The Storyville Mosquito, présenté pour la première fois à la Place des Arts en 2019, est l’un de ces spectacles qui réunissent petits et grands. Il raconte l’histoire d’un moustique clarinettiste qui quitte son petit village afin de tenter de rejoindre l’un des meilleurs orchestres de tous les temps dans la grande ville.

En plus de sa prémisse mignonne, The Storyville Mosquito se distingue par sa spontanéité chorégraphiée : « C’est comme un film en direct réalisé par une équipe de 15 personnes, dont des marionnettistes et un trio de cordes, filmé par plusieurs caméras et projeté sur un grand écran. C’est comme si on pouvait voir le making-of et le produit fini en même temps », résume Kid Koala.

Le choix d’une performance intégralement en direct ajoute complexité et imprévisibilité, mais permet d’offrir un divertissement unique. « Nous voulions la liberté de faire évoluer le spectacle et l’urgence de l’adapter en temps réel. Par exemple, si les marionnettistes sont dans une zone et que la foule apprécie, nous, les musiciens, allons leur en donner un peu plus afin de poursuivre l’élan », explique Kid Koala. Bien qu’il estime que ces moments de communion sont inégalables, le concepteur souligne que l’œuvre n’est pas improvisée, car la synchronisation de certains éléments et des transitions est cruciale.

Le groupe ajuste aussi sa performance selon l’âge du public. Les représentations en après-midi, où il y a plus de jeunes, sont différentes de celles du soir. Le lieu a également un effet. « Presque toute l’équipe habite Montréal, alors on fait quelques petits clins d’œil à notre ville », note Patrick Martel, concepteur des marionnettes et marionnettiste, présent lors de notre rencontre virtuelle avec Kid Koala.

Ça va être notre 50représentation, alors c’est une célébration pour nous.

Kid Koala

Il ajoute : « Il y a beaucoup de changements par rapport à la première avant la pandémie. Nous avons 10 ans d’expérience ensemble avec [le spectacle précédent] Nufonia Must Fall et on progresse continuellement, mais tout peut encore s’effondrer à tout moment », remarque-t-il en riant.

Creatures, le jeu et le spectacle

PHOTO TIRÉE DU SITE DE KID KOALA

L’album et le jeu Creatures of the Late Afternoon

Il y a près d’un an, Kid Koala a lancé l’album Creatures of the Late Afternoon. Créé en majeure partie pendant la pandémie, le disque est aussi vendu avec un magnifique jeu de société. « On jouait souvent à des jeux en famille et j’ai regardé de nombreux documentaires animaliers avec ma fille. Ils m’ont inspiré pour les personnages. J’ai joué d’une trentaine d’instruments pour créer la musique, qui sera la trame sonore de notre prochain spectacle », explique l’artiste de 49 ans.

Il espère achever la création avec la même équipe que celle de The Storyville Mosquito d’ici deux ans, deux ans et demi. Cette troisième œuvre sera encore plus ambitieuse. « Avec l’expérience des deux spectacles précédents, on se met des défis plus grands. On veut faire des clins d’œil au langage cinématographique des films d’action des années 1990 », annonce Patrick Martel.

Retour au rap

Kid Koala s’est d’abord illustré comme DJ hip-hop dans les années 1990. Avec le rappeur Del the Funky Homosapien et le producteur Dan the Automator, il a formé le groupe Deltron 3030. L’album homonyme, lancé en 2000, et sa suite, Event 2, parue en 2013, demeurent des œuvres avant-gardistes fort respectées.

Le Montréalais confirme que le trio compte se réunir pour conclure la trilogie. « Del a commencé à écrire, mais rien n’a été enregistré pour l’instant. Le plan est de sortir le troisième album et de partir en tournée d’ici un an environ. »

Kid Koala indique également que son compatriote Scott Da Ros, alias Deadly Stare, et lui travaillent sur un projet avec la rappeuse Ladybug Mecca, de Digable Planets. « Nous sommes fans d’elle et étions curieux de l’entendre sur des beats vraiment sombres. Elle est venue à Montréal et était très enthousiaste. On aimerait finir l’album bientôt. »

The Storyville Mosquito à la Cinquième Salle de la Place des Arts, du 29 février au 3 mars, dans le cadre de Montréal en lumière

Consultez le site de la Place des Arts Consultez le site de Kid Koala (en anglais)

Qui est Kid Koala ?

DJ, musicien et bédéiste né à Vancouver, il a étudié à l’Université McGill et habite Montréal.

Il a créé les spectacles multidisciplinaires et interactifs Nufonia Must Fall, The Storyville Mosquito, Satellite Turntable Orchestra et Space Cadet Headphone Concert.

Membre du groupe Deltron 3030, il a également lancé de nombreux albums solos, collaboré avec Gorillaz et tourné avec Radiohead, Beastie Boys, Björk et Arcade Fire, entre autres.

Il a contribué à la musique des films Scott Pilgrim vs. The World, The Great Gatsby et Baby Driver.