Dans une nouvelle demande d’action collective déposée mardi, le géant de la vente de billets Ticketmaster est accusé de recourir à des pratiques illégales de mise en vente et d’induire intentionnellement ses clients en erreur avec son offre de « billets platine ».

Ticketmaster se retrouve régulièrement dans l’embarras sur la place publique et face à la justice pour ses pratiques jugées malhonnêtes, voire illégales, par de nombreuses personnes. La nouvelle requête d’action collective, déposée par la firme d’avocats montréalaise LPC à la Cour supérieure de Laval, décrie une pratique « en claire violation » de la Loi sur la protection du consommateur. Selon la demande, le fait de ne pas annoncer directement la tenue d’un second concert lors de la mise en vente d’un premier spectacle servirait à « soutirer autant d’argent que possible aux vrais fans » qui tentent désespérément de mettre la main sur des places.

En ne laissant pas les acheteurs savoir qu’il y a en fait deux fois plus de billets disponibles, la billetterie provoque un effet de rareté qui fait augmenter les prix, plus élevés lorsque la demande est plus forte. Les fans se ruent sur les billets du premier concert sans être au courant qu’ils pourraient en obtenir de moins chers lors de la seconde mise en vente.

La demande d’action collective requiert des dommages et intérêts compensatoires aux membres de l’action collective, des dommages et intérêts punitifs de 300 $ par membre, le remboursement de la différence entre le prix « régulier » et celui payé par chaque membre, ainsi qu’une injonction ordonnant à Ticketmaster « de modifier ses plateformes et de cesser ses pratiques commerciales interdites ».

La requête expose le cas d’une consommatrice s’étant procuré des billets pour le spectacle de P!nk au Centre Bell, prévu l’automne prochain. Selon les documents de cour, la consommatrice a d’abord acheté, fin février, trois billets pour le spectacle du 1er novembre de la chanteuse américaine.

PHOTO MARIO ANZUONI, REUTERS

La chanteuse P!nk lors d’une performance à Los Angeles, lundi soir

On lui a proposé sur la plateforme des billets des « sièges platine officiels », que Ticketmaster décrit comme ses meilleures places, justifiant ainsi un prix gonflé par la tarification dynamique (plus la demande est élevée, plus les tarifs montent). Pourtant, les billets achetés à près de 350 $ chacun se trouvaient 14 rangées avant la toute dernière, dans la section la plus éloignée de la scène. La consommatrice a également réalisé peu après que d’autres billets « platine » adjacents au sien se vendaient une soixantaine de dollars de moins. Des places « avec vue partiellement obstruée » sont aussi vendues en tant que « sièges platine ».

Finalement, au moment de la mise en vente du second concert, la consommatrice s’est rendu compte que des billets mieux placés étaient offerts pour 6,89 $ de plus.

Pratiques « systémiques »

Le recours à ces pratiques est « systémique », affirme la requête, puisque d’autres cas ont été répertoriés. Des consommateurs s’étant procuré des billets pour le concert de Drake à Montréal ont vu après leur achat qu’un second concert était annoncé et qu’ils auraient pu obtenir des billets bien moins chers. De plus, des sièges moins bien placés sont affichés « platine » alors que certains dans des sections plus à l’avant ont un prix « régulier », note la requête.

Dans le cas de l’admiratrice de P!nk, les déboires ne se sont pas arrêtés là. La consommatrice a décidé d’acheter les sièges un peu plus chers, pour le deuxième concert, qui lui donneraient une meilleure vue du spectacle. Elle pensait pouvoir facilement revendre ses trois premiers billets. Voulant s’assurer de les vendre, elle a souhaité fixer un prix abordable, mais s’est heurtée à un prix plancher de revente de 345,01 $ imposé par la plateforme. Ce minimum est exigé alors qu’il est stipulé que « les billets de cette section se vendent pour aussi bas que 231,00 $ ». « De toute évidence, la Demanderesse ne pourra jamais vendre ses billets à 345,01 $ ou plus lorsque les billets de la même section se vendent à 231,00 $ », note la demande.

Cette pratique consiste, selon la requête, en « un comportement anticoncurrentiel ». Fixer des prix de la sorte « est une activité interdite en vertu des règles générales du droit civil québécois, ainsi qu’en vertu de la Loi sur la concurrence », lit-on dans les documents.

Plusieurs artistes, dont Robert Smith, le meneur du groupe The Cure, dont la tournée a été mise en vente récemment, ont pris la parole pour dénoncer les pratiques de Ticketmaster.

Du côté des fans, la grogne résonne chaque fois que les billets d’un concert important sont mis en vente. Malgré plusieurs poursuites contre la société américaine, Ticketmaster demeure la plus importante billetterie du marché du divertissement.

Nous avons tenté de joindre Ticketmaster par courriel, en fin de journée mardi, sans succès.

Lisez « Robert Smith qualifie d’arnaque la tarification dynamique de Ticketmaster » Consultez la demande d’action collective