Le spectacle produit par Québec Issime depuis 20 ans au Théâtre Maisonneuve ne sera pas présenté dans cette salle au mois de décembre prochain. Le producteur Robert Doré déplore la décision « cavalière » de la Place des Arts, qui plaide pour un renouvellement de son offre.

Robert Doré ne s’explique toujours pas la décision de la Place des Arts, qui l’a avisé de sa décision d’abandonner son spectacle du temps des Fêtes le 21 décembre dernier (pour accueillir une nouvelle production), en plein durant la série de représentations de Décembre.

« J’ai trouvé ça cavalier, a-t-il confié à La Presse. Si j’avais su plus tôt, je n’aurais pas investi un demi-million pour relancer la production », lance-t-il.

On était en redémarrage après deux ans de pandémie. Vous savez, Décembre, c’est un spectacle, un public, mais c’est aussi 200 emplois dans le milieu culturel qui y sont rattachés.

Robert Doré, producteur de Décembre

La superproduction, conçue « à la demande de la Place des Arts » il y a 20 ans, rappelle Robert Doré, s’inspirait du spectacle annuel du Radio City Music Hall de New York, mais en rendant hommage à la chanson québécoise.

La Place des Arts, une fierté

« Pour nous, la Place des Arts, c’est une fierté extraordinaire, nous dit Robert Doré. On est partis du Saguenay pour créer ce spectacle à Montréal. Un spectacle qui fait maintenant partie de nos traditions du temps des Fêtes. Trouvez-moi un autre producteur privé qui a installé un spectacle à Montréal pendant 20 ans ! »

Est-ce que le public était toujours au rendez-vous ? « Écoutez, au mois de décembre dernier, c’est sûr qu’on était en post-pandémie, donc il y avait encore de l’insécurité. » Selon M. Doré, pour justifier l’abandon de Décembre, la directrice de la programmation de la Place des Arts a invoqué « le renouvellement de l’offre hivernale » et le « développement du public ».

La directrice du marketing et des communications de la Place des Arts, Mylaine Albert, a confirmé ces informations. « Après 20 ans de représentations, on trouvait normal de prendre une pause, a-t-elle affirmé à La Presse. On a reçu une proposition d’un autre producteur, pour une création québécoise grand public dont les détails seront annoncés à la mi-avril, et on a estimé que c’était le bon moment de renouveler notre offre. »

Pourquoi la Place des Arts n’a pas avisé M. Doré plus tôt de sa décision ? Avant qu’il n’investisse 500 000 $ ? « On aurait voulu avoir la discussion avec lui plus tôt, surtout après 20 ans de collaboration, mais vous savez, le milieu des arts évolue très rapidement, les choses se sont bousculées avec la pandémie, et on a prévenu M. Doré le plus vite qu’on pouvait », s’est défendue Mylaine Albert, qui admet tout de même avoir reçu la demande formelle du nouveau producteur « en 2022 ».

Robert Doré n’en démord pas. « Je trouve ça inacceptable, insiste-t-il. Même pendant la pandémie, on a produit le spectacle Décembre [en ligne]. On a vendu 16 000 liens web. Personne d’autre n’a fait ça. »

Il y a 100 000 Québécois qui ont vu le show dans leur salon pendant le confinement, qui ont vécu deux heures de bonheur parce qu’un producteur a pris un risque et a investi de l’argent.

Robert Doré, producteur de Décembre

L’avenir de Décembre, qui réunit sur scène une vingtaine d’interprètes (et autant de techniciens), est maintenant plus qu’incertain. « Ils nous ont proposé d’aller à la Maison symphonique ou chez Duceppe, mais ce ne sont pas des salles adaptées pour ce spectacle », regrette Robert Doré, qui a aussi sondé le Grand Théâtre de Québec, qui ne peut malheureusement pas accueillir la production.

Le public au rendez-vous

Mylaine Albert admet que la production Décembre remplissait le Théâtre Maisonneuve. « Pendant 20 ans, ç’a été un beau succès, a-t-elle dit. On comprend la déception des gens, mais notre relation avec M. Doré n’est pas terminée. On a eu une belle relation avec lui pendant 20 ans, donc on va continuer à discuter avec lui, de Décembre ou de ses autres productions, mais pas sur la place publique. »

Robert Doré n’exclut pas de créer une version « plus petite », « mais il va encore falloir investir de l’argent, peut-être 1,5 million, pour créer une nouvelle production. Je ne sais pas si on peut se le permettre. On est toujours à l’écoute, à la recherche de solutions, mais peut-être que cette aventure-là est terminée. »

Au micro de Paul Arcand, lundi matin, l’ex-maire de Québec et chroniqueur à La Presse Régis Labeaume a critiqué la décision de la Place des Arts. « Le Québec, ce n’est pas juste Montréal et ce n’est pas juste Québec. C’est aussi les régions […] Il faudrait qu’il reste un peu de culture québécoise à Montréal un moment donné. Je pense qu’il n’en reste plus ben, ben. »

Mme Albert s’est dite surprise par cette sortie de M. Labeaume. « On travaille en collaboration avec des producteurs qui viennent des régions, comme le festival de la chanson de Petite Vallée, on a accueilli Klô Pelgag en résidence, honnêtement, on a beaucoup d’artistes qui viennent des régions. Daniel Boucher, Les Cowboys Fringants, Fred Pellerin… La Place des Arts a toujours encouragé les artistes des régions et on a toujours fait la promotion de la culture québécoise pour un vaste public. »