Dans Le tour du bloc, Michel Rivard célèbre 50 ans de carrière avec générosité et élégance, avec une vingtaine de chansons qui le font se promener dans son répertoire et dans le temps. Entouré de huit musiciens et de trois choristes, il propose un spectacle confortable dans lequel on se love doucement.

« Quand c’est ton anniversaire et qu’on te fait un surprise, tu n’as aucun contrôle sur ce qui va se passer. Mais si c’est toi qui invites les gens que tu aimes, tu t’arranges pour qu’eux aussi, ils aient du fun », explique au téléphone l’auteur-compositeur-interprète au lendemain de la deuxième représentation de sa tournée, qui a eu lieu mercredi à L’Étoile de Brossard, à laquelle nous avons assisté.

Michel Rivard, qui montera ce vendredi et samedi sur la scène du Théâtre Maisonneuve à Montréal, est soulagé depuis qu’il a enfin donné son premier spectacle le week-end dernier à Longueuil.

Ce show a été mon obsession pendant un an. Jusqu’à la première, je me suis demandé : on a-tu fait les bons choix ? Dans le bon ordre ? Les textes vont-tu marcher ?

Michel Rivard

Après deux représentations, il sait maintenant que oui. La communion a lieu, et il la ressent pleinement. « C’est ma fête, mais je regarde les gens et je sens qu’ils sont contents aussi. C’est sûr que c’est leur fête aussi, parce que ces 50 ans, je ne les ai pas faits tout seul ! »

  • Michel Rivard est entouré de 11 musiciens et choristes.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Michel Rivard est entouré de 11 musiciens et choristes.

  • Le pianiste François Richard signe les nouveaux arrangements des chansons.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le pianiste François Richard signe les nouveaux arrangements des chansons.

  • Avec son complice de longue date et membre du Flybin Band, Rick Haworth

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    Avec son complice de longue date et membre du Flybin Band, Rick Haworth

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Son seul algorithme pour le choix des chansons aura donc été le plaisir partagé, avec des incontournables qu’il chante depuis toujours, de très anciennes ressuscitées pour l’occasion et quelques moins connues qui cadrent dans les thèmes du spectacle. Le tout dans un enrobage somptueux de nouveaux arrangements créés par le pianiste François Richard, joués et interprétés par le Flybin Band originel — Rick Haworth, Mario Légaré et Sylvain Clavette —, un quatuor à vent « qui fait respirer et qui donne du punch » ainsi que trois choristes très investis, dans un effervescent mélange de générations qui donne « un joyeux son ».

Continuité

Après la longue tournée quasi solo de L’origine de mes espèces, Michel Rivard avait une grande envie de partage, d’interactions et de chaleur humaine. N’empêche que les spectacles de musique qui réunissent 12 artistes sur scène, ça ne court plus les rues. On se demande si le chanteur sait que l’inflation galope et que l’industrie de la musique est en difficulté. « Pour employer une expression de par chez nous… quand tu organises un party, tu ne regardes pas à la dépense ! » Il rigole.

Je l’ai, mon âge. J’ai 71 ans. Je ne peux pas bouder mon confort et mon plaisir. C’est sûr que c’est un gros bateau, mais 50 ans de chanson, ça mérite ça.

Michel Rivard

Dans ce spectacle qui comporte son lot d’émotion, et où les enchaînements parlés sont poétiques et loin de l’anecdote bêtement didactique, on sent que Michel Rivard n’a pas les yeux tournés que vers le passé. La « nostalgie de contemplation » qui fait dire que « c’était mieux avant », très peu pour lui. « Je ne souscris pas à ça. Mais la nostalgie qui consiste à assimiler son passé, le revisiter avec un sourire et voir comment il contribue à notre aujourd’hui, pas de problème. »

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Comme d’habitude, les interventions du chanteur sont très bien écrites, drôles, pertinentes et poétiques.

Résultat, en début de spectacle, quand il enchaîne la nouvelle Le tour du bloc, écrite il y a un mois, et Motel « Mon repos », sa première composition qui date de 1972, il « reste le même gars » malgré les décennies d’écart.

« Je sens la continuité. » C’est ce qui lui permet de se promener dans son répertoire sans suivre de chronologie, dans un voyage « lousse dans les sillons du temps », comme il dit. Un beau long voyage en fait, en deux parties, ce qui est aussi de plus en plus rare. « On a essayé de couper des tounes pour le faire tenir en une seule partie, mais chaque fois, on se mettait à brailler. Alors j’ai tranché : il y aura un entracte, et on va s’arranger pour que ça passe vite quand même. »

On le rassure : de Je voudrais voir la mer à Méfiez-vous du grand amour en passant par Le retour de Don Quichotte, pas de danger qu’on s’ennuie. Et Michel Rivard, lui, trouve encore son plaisir à interpréter ces chansons aimées depuis si longtemps, entre autres en leur donnant une nouvelle patine.

J’ai appris ça de mes professeurs. Une même année, j’avais vu James Taylor, Neil Young, Paul Simon et Leonard Cohen. Chaque fois, ils m’ont fait plaisir en faisant les tounes que je voulais entendre et ils m’ont étonné avec de nouveaux arrangements. Ça a inscrit une leçon en moi.

Michel Rivard

Il est quand même émouvant de le voir touché par le chœur de spectateurs qui entonne doucement La complainte du phoque en Alaska en fin de première partie… alors que dans les faits, ce n’est pas vraiment surprenant ! « C’est vrai, mais ça ne veut pas dire que je prends ça à la légère. Des gens qui chantent ensemble, ça m’émeut. Et ça vient me chercher chaque fois de voir qu’elle a été adoptée à ce point. »

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Michel Rivard propose un parcours non linéaire dans son répertoire.

Si Michel Rivard a créé ce nouveau spectacle, c’est donc pour donner de la joie, et parce qu’il en avait envie. « Je ne ferais pas cette tournée si ça avait été ben plus important pour moi de dire non non, on va faire un show avec de nouvelles tounes. »

Heureusement, puisque la tournée qui vient de démarrer durera un bon bout de temps : une supplémentaire est annoncée aux Francos en juin, des salles s’ajoutent pour l’automne et probablement même l’hiver 2024. « On va amener cette tournée jusqu’où elle veut aller. Et je ne demande pas mieux. »

Consultez le site de Michel Rivard