Nathalie Mallette est la tête d'affiche du programme d'Espace Go cette année. Elle est du spectacle d'ouverture, Le reste vous le connaissez par le cinéma, dans le rôle d'une figure mythique, Jocaste, femme en colère qui veut faire la paix.

On ne l'attend pas dans la colère, mais Nathalie Mallette assure qu'elle s'enrage parfois dans la vie. Comme tout le monde. Après des dizaines de rôles comiques et 30 ans de télé presque en continu, elle peut enfin l'exprimer sur scène dans la peau tragique de Jocaste, personnage central de la pièce de Martin Crimp, Le reste vous le connaissez par le cinéma.

«Je suis contente d'exprimer de la colère parce que j'ai souvent joué la douceur, la tendresse, la fragilité, confie-t-elle en entrevue. Mais j'ai aussi de la colère; je joue enfin un personnage plus fort, plus rude.»

Mis à part le théâtre d'été, c'est sa première pièce à Montréal en cinq ans. Nathalie Mallette dit avoir toujours le trac et pense qu'elle l'aura toujours.

«C'est inhérent au fait d'être devant des gens. Un prof est nerveux à sa première journée.»

«Ça fait partie de l'exercice. Le meilleur chemin, c'est de l'accepter plutôt que de se battre contre ça.»

Mais il y a trac et stress. Celui-ci a montré le bout de son gros nez hideux récemment. Après tout ce temps, il lui arrive encore de se demander si le prochain rôle sera le dernier. 

«Le désir, c'est de continuer à travailler; la peur de disparaître existe, dit-elle, émue. Quand 30 vies s'est terminée après cinq ans, j'ai eu une vraie inquiétude. C'était un tournant de vie, je sentais que quelque chose se passait. Ça m'a fait vivre une période difficile, mais là, je sens que j'ai bien rebondi.»

Et comment! Sa Jocaste à Espace Go aura vraisemblablement des suites avec le metteur en scène Christian Lapointe, sans parler d'autres projets théâtraux en 2019. 

«Ce que j'aime d'abord et avant tout dans ce métier, c'est rencontrer des gens. Dans ce projet, sur 14 acteurs, je ne connaissais que Marc Béland et Paul Savoie. Je réfléchis longtemps avant de prendre une décision sur un projet ou un autre. Je pèse le pour et le contre, mais je crois que je n'ai jamais regretté mes choix.»

Jocaste

D'après Euripide, Le reste vous le connaissez par le cinéma a des choses à nous dire sur l'état du monde aujourd'hui. «C'est fascinant de voir que la pièce a été écrite 400 ans avant Jésus-Christ, dit-elle. C'est troublant de voir à quel point l'humain ne change pas.»

Jocaste, mère courage, n'arrivera pas à engendrer la paix entre ses fils. Elle ne peut pas y arriver parce que leur orgueil, leur arrogance et leur violence l'emportent. 

«Moi, je fais la partie tragique, dit Nathalie Mallette. Même si c'est très drôle par bouts, selon Christian.» 

«Jocaste touche à la tragédie avec son long monologue après la bataille. La fin est vraiment wild. On ne peut faire ça qu'au théâtre. Le corps doit être large. C'est un vrai travail.»

Photo Yanick Macdonald, fournie par l'Espace Go

«Jocaste touche à la tragédie avec son long monologue après la bataille. La fin est vraiment wild. On ne peut faire ça qu'au théâtre. Le corps doit être large. C'est un vrai travail», estime Nathalie Mallette.

Le théâtre est plus exigeant que la télé, avoue-t-elle, car «le rôle reste dans le corps longtemps». Peut-être davantage encore dans le théâtre contemporain.

«C'est un terrain de jeu où l'on ne m'a pas souvent invitée. Christian est un être formidable. Il est tellement gentil, brillant, chaleureux, généreux. Il est tout ce que j'aime d'un metteur en scène. Je n'aime pas la tyrannie. J'ai même refusé des pièces parce qu'il y avait un risque de mépris». 

«C'est un métier déjà tellement exigeant, poursuit-elle. C'est un travail formidable, mais on y est exposé. Si je sens qu'il y a un risque d'être méprisée ou varlopée, je n'y vais pas.»

Dur été

Après un été de controverses et de gros mots au théâtre - «c'est inquiétant pour la liberté artistique», dit-elle -, Nathalie Mallette joue une Jocaste qui essaie justement de réconcilier des fils prêts à s'entretuer. 

«Cette pièce représente un univers très dense. Christian a fait le choix de la situer dans une classe d'école, une maison du savoir en ruine. Les Phéniciennes, ce sont des écolières et les hommes, des garçons qui jouent à la guerre. Ça résonne avec aujourd'hui et celui qui fait pipi le plus loin.» 

Au début de la pièce, son personnage, Jocaste, donne un cours d'histoire sur ceux et celles qui ont mis la table du drame: Oedipe, Cadmos, Polynice, Étéocle... Les Grecs pour les nuls, quoi! 

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Le reste vous le connaissez par le cinéma est présentée à Espace Go jusqu'au 6 octobre. La pièce sera ensuite présentée à Ottawa en novembre.

Photo Yanick Macdonald, fournie par l'Espace Go

Le reste vous le connaissez par le cinéma « représente un univers très dense. Christian [Lapointe] a fait le choix de la situer dans une classe d'école, une maison du savoir en ruine. Les Phéniciennes, ce sont des écolières et les hommes, des garçons qui jouent à la guerre. Ça résonne avec aujourd'hui et celui qui fait pipi le plus loin », affirme Nathalie Mallette.