Le collectif Les Chiens de Navarre est de retour au Québec, où il présentera LA pièce qui l'a fait connaître en France:  Une raclette. La Presse s'est brièvement entretenue avec le chef/metteur en scène Jean-Christophe Meurisse, qui continue de défendre un théâtre désobéissant, qui dérange autant qu'il fait rire.

L'an dernier, le collectif français s'est posé au Québec pour la première fois avec son spectacle Quand je pense qu'on va vieillir ensemble, accueilli très favorablement à la fois par la critique et le public. C'est justement pour cette raison que Les Chiens de Navarre ont eu envie de revenir «aboyer» sur nos terres.

Même si Une raclette a été créée il y a plus de sept ans, Les Chiens de Navarre continuent de la jouer et de la faire tourner. La meute se rendra bientôt en Serbie, en Italie et en Espagne, plus question de se limiter aux pays francophones.

«Notre travail est basé sur l'improvisation, les acteurs étant les auteurs de leurs propres dialogues, rappelle le directeur du collectif, Jean-Christophe Meurisse, donc il y a toujours moyen chez nous de remettre à jour notre spectacle. Une raclette est peut-être un ancien spectacle, mais il n'a jamais autant été d'actualité.»

L'argument de la pièce est simple: des voisins sont réunis autour d'une table pour partager un repas. Ils ne se connaissent pas - comme c'est le cas lors de ces soupers organisés pour les traditionnelles «Fêtes des voisins». «Qu'est-ce qu'on se dit lorsqu'on ne se connaît pas?», demande le metteur en scène. C'est la prémisse d'Une raclette.

«Je voulais qu'il y ait un vrai repas sur scène, avec du vrai vin et de vrais ingrédients, poursuit Jean-Christophe Meurisse, qui a réuni les huit acteurs de la troupe sur scène. Il n'y a rien de faux dans nos mets qui sont sur la table, comme il n'y a rien de faux dans notre manière de jouer ou d'improviser. On a choisi la raclette parce que c'est un repas a priori convivial.»

«A priori» puisque l'idée d'Une raclette découle d'une citation de Stanley Kubrick qui évoque nos pulsions violentes: «Dans son inconscient, chacun de nous peut tuer et violer.» «J'ai voulu appliquer cette citation-là au milieu d'une raclette», précise le metteur en scène qui cite aussi le Livre de l'intranquilité de Fernando Pessoa «dans la manière un peu acide et féroce de regarder notre quotidien et les relations humaines».

Des gens ordinaires

Les Chiens de Navarre, qui jouent avec les codes et les conventions du théâtre, ont passablement bousculé le paysage théâtral en France depuis leurs débuts.

«A priori, des gens ordinaires sur un plateau, c'est presque un scandale au théâtre, évalue Jean-Christophe Meurisse. Normalement, on monte de grands textes littéraires ou de la poésie. Or là, on met en scène des discussions ordinaires... Ce qui fait jubiler le public, c'est qu'à travers ces conversations, on fait ressortir toutes les intolérances et toutes les peurs des convives autour de la table.»

On s'en doutait, ce repas tournera au vinaigre. Combats à l'épée, élans amoureux, plans de partouze où les invités font l'amour en portant des masques de vieilles personnes... «C'est un mélange entre ce qui se passe de très réel pendant un repas et ce qui relève de la fantaisie. Car Les Chiens de Navarre, c'est aussi la représentation de la pulsion, précise le directeur du collectif. Ça prend des allures burlesques.»

Jean-Christophe Meurisse estime que ce souper qui vire à l'orgie est une formidable métaphore de la vie. «On peut vivre quelque chose de violent, d'amoureux, c'est le pari de montrer la vie. Ça permet aussi de rendre les choses vivantes, dit-il. C'est l'histoire du monde, la tienne, la nôtre. Arriveront-ils à faire une orgie? Je ne veux pas tout révéler, mais vous le saurez si vous voyez le spectacle!»

Puisque les acteurs ont le feu vert pour changer leurs textes, est-ce qu'ils vont jusqu'à l'adapter à l'actualité du jour?

«Ils peuvent, confirme Jean-Christophe Meurisse. Ils pourraient bien sûr aborder des questions politiques comme la situation en Grèce ou celle des réfugiés, mais jamais de manière très sérieuse», prévient-il. 

«On ne parle pas de cul ou de Dieu avec des gens qu'on ne connaît pas. N'empêche que ces paroles-là sont intéressantes sur un plateau, parce qu'on entend aussi tout ce qui n'est pas dit.»

Le directeur des Chiens de Navarre se trouve actuellement en Corse, où il tourne le premier long métrage de la troupe: Apnée.

«Il s'agit d'un road movie mettant en scène trois héros qui traversent la France comme trois Diogène, détaille Jean-Christophe Meurisse. Partout où ils vont, ils remettent en cause nos valeurs familiales, religieuses, républicaines, sexuelles et intimes. Mais toujours de manière idiote et légère.» La sortie en France est prévue pour le printemps 2016.

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À l'Usine C du 23 au 26 septembre.