« Le temps est un animal qu'il faut dompter », lance Philéas Fogg, en pariant de faire le tour du monde en 80 jours, à une époque (1872) où cela est pratiquement impossible. Évidemment, ce gentleman a tort ! Le temps est indomptable et vaincra toujours les mortels. Mieux vaut donc apprécier chaque instant.

Le temps est au centre de la très amusante et efficace production de l'oeuvre de Jules Verne, «Le Tour du monde en 80 jours», au TNM. Autant dans le propos (très critique envers la course folle au profit et au progrès des Occidentaux) que dans la forme : la scénographie de Francis Farley-Lemieux reproduit de gigantesques mécanismes d'horloges à ancre. Sans oublier la direction d'acteurs : les huit interprètes participent à un véritable sprint théâtral ! Ils incarnent une cinquantaine de personnages dans une vingtaine de lieux, multipliant changements d'accessoires et de costumes (magnifique boulot de Maric-Chantale Vaillancourt) en un temps record !

Audacieux et ingénieux

En présentant cette création du metteur en scène et directeur du Théâtre Tout à Trac, Hugo Bélanger, le TNM s'aventure sur le terrain du Théâtre Denise-Pelletier. Ce «Tour du monde» est une pièce ludique et fantaisiste, comique et ingénieuse, populaire et divertissante. Elle plaira à un public de 7 à 77 ans. D'ailleurs, on n'a jamais vu autant d'enfants, jeudi soir, à une première médiatique du TNM. 

Prenons donc cet objet scénique, ficelé avec doigté par Bélanger, pour ce qu'il est : un rendez-vous avec l'imaginaire théâtral livré par une talentueuse équipe de concepteurs et d'interprètes. 

Bien sûr, les ficelles sont grosses, le message appuyé, le jeu outrancier. Par moments, on croirait voir un spectacle de La Roulotte avec les moyens du TNM. Mais pourquoi pas ? Le théâtre est aussi une source d'émerveillement. 

Sans réinventer la roue, Hugo Bélanger enchaîne les tableaux et marie habilement les influences et les cultures. Absurde et marionnettes, kabuki et western, kathakali et comédie musicale, théâtre d'ombres et «slapstick»... Le metteur en scène nous offre un condensé de l'encyclopédie du théâtre mondial en deux heures !Il faut lever son chapeau aux interprètes qui réussissent à mener à bord cette vertigineuse entreprise. Mentionnons le toujours excellent Benoît Gouin dans le rôle du flegmatique Fogg ; l'inénarrable Carl Béchard qui déclenche le rire de la salle à chaque réplique ; Stéphane Breton sous les traits de l'honnête serviteur de Fogg, Passepartout. (En passant, Breton est un solide acteur malheureusement sous-employé au théâtre.)

À l'instar de Fogg, Hugo Bélanger finit donc, à force d'astuces et de labeur, par gagner son pari. Son tour du monde en 120 minutes risque de toucher votre coeur d'enfant.

Le Tour du monde en 80 jours

D'après l'oeuvre de Jules Verne

Mise en scène et adaptation de Hugo Bélanger

Avec Benoît Gouin, Carl Béchard et Stéphane Breton

Jusqu'au 23 mai au TNM 

*** 1/2