Il est difficile d'être à la hauteur de son image lorsqu'on est une idole. Dans Cuisiner avec Elvis, pièce écrite en 1999 par le Britannique Lee Hall (Les peintres du charbon, Billy Elliot), le mythe du King est déboulonné pour de bon. Il est tourné en une farce très drôle. Et pitoyable.

Produite par le Théâtre Urbi et Orbi - la compagnie derrière les Contes urbains -, la pièce est montée pour la première fois au Québec dans une (très bonne) traduction d'Yvan Bienvenue, et une mise en scène déjantée de Philippe Lambert.

Cuisiner avec Elvis raconte la tragédie d'un père de famille connu dans son milieu pour ses imitations éclatantes et réalistes d'Elvis Presley ; celui des années kitsch des shows de Vegas.

Devenu quadriplégique après un accident de voiture, l'homme apparaît au début de la pièce cloué dans son fauteuil roulant, dans un état quasi végétatif. Il a été pris en charge par sa femme (toujours aussi juste Sandrine Bisson) et sa fille (Catherine Leblond, excellente !).

Cette relation mère-fille ressemble à celle d'Edina et de Saffron dans la télésérie britannique Absolutely Fabulous : une femme de 40 ans séductrice, alcoolique et irresponsable qui se fait réprimander par sa fille, une adolescente sérieuse, studieuse et passionnée de cuisine.

Puisqu'il faut bien que le corps exulte, l'épouse cougar se permet quelques aventures avec de jeunes hommes. Elle finira par avoir une relation avec un aide-pâtissier. Malgré l'opposition de sa fille, la mère décide d'héberger à la maison son jeune amant naïf (Frédéric Lemay, assez juste dans un rôle en retrait).

Loufoque et pervers

Il s'ensuivra une série de péripéties loufoques et perverses, dont quelques scènes sexuelles carrément psychotroniques ! Car le quotidien tragique et banal de cette famille reconstituée est entrecoupé d'intermèdes musicaux surréalistes, durant lesquels le mari bondit de son fauteuil pour se transformer en Elvis et chanter.

Stéphane Jacques passe avec brio de l'un à l'autre. L'acteur est tout simplement stupéfiant dans ses imitations du King. Une performance qui vaut à elle seule le détour.

On devine que Lee Hall a voulu illustrer l'envers du rêve américain, la quête illusoire du bonheur dans le strass et le toc, les revers de la gloire. La légende du King demeure l'exemple parfait qu'il ne faut pas toucher aux idoles, car « la dorure en reste aux mains », comme écrivait Flaubert. Toutefois, la pièce manque de profondeur, de réflexion et nous laisse sur notre faim.

De Lee Hall. Mise en scène de Philippe Lambert, à La Petite Licorne jusqu'au 8 mai.