Dans la République du bonheur de Martin Crimp est une pièce grinçante sur la famille et la société contemporaines. L'adaptation qu'en a faite Christian Lapointe est dans le ton, sans verser dans la charge dévastatrice.

C'est Noël. Tino Rossi chante. Une famille se déchire devant nous, entre la piscine gonflable, le bar et la toilette chimique.

La première partie du texte du Britannique Martin Crimp dévoile toute la haine qui couve entre les grands-parents, les parents, les enfants, ainsi que l'oncle et la tante d'une famille vivant dans le kitsch jusqu'au bout des doigts et fière de le faire.

Par la suite, la pièce prend des allures de messe avec récitatifs et musique à gogo, faisant l'autopsie d'une recherche de bonheur aussi illusoire que factice. Un bonheur mis au monde avec les forceps du plastique et de la porno, de l'internet et de la morale Walmart, mais loin de la politique, évidemment pourrie.

Dans cette séquence, les personnages récitent plus qu'ils n'échangent un texte. Celui-ci porte sur la liberté et le bonheur, disons-le, d'être con, et il peut être l'apanage de n'importe lequel des huit d'entre eux.

Christian Lapointe nous montre, avec des chansons, des vidéos et des Barbie, un grand magasin où tout peut être bradé pour peu qu'on écarte les jambes ou que l'on étire au maximum l'élastique d'une morale bidon.

Distanciation extrême

Dans la dernière partie, les superbes Ève Landry et David Giguère finissent cette entreprise de démolition en triturant ce qui reste de leur couple, engoncé dans l'hypocrisie, la manipulation et le mépris.

Le langage est cru, tous les orifices du corps sont évoqués, encore et plus, l'humour est tour à tour absurde, gras, jaune...

Les chansons, vidéos et micros qu'utilisent parfois les personnages sont destinés à donner du recul aux spectateurs face à cette réalité déjantée, décalée et déprimée. Un peu trop, à notre humble avis. Ces objets de mise en scène viennent malheureusement briser un rythme qui est celui, au fond, d'une descente aux enfers.

Martin Crimp a écrit une pièce cynique, radicale, voire nihiliste, d'une cruauté presque intolérable. Cette oeuvre exige des trésors d'interprétation et de mise en scène. Christian Lapointe et sa troupe relèvent le défi, mais il semble qu'ils aient hésité un brin devant la possibilité d'aller véritablement jusqu'au bout de la nuit.

À la Cinquième Salle de la Place des Arts, jusqu'au 28 février.